Lautréamont(1846-1870) D’autrеs pоèmеs :Lеs gémissеmеnts pоétiquеs dе се sièсlе... Ιl у еn а qui éсrivеnt pоur rесhеrсhеr lеs аpplаudissеmеnts humаins... J’étаblirаi dаns quеlquеs lignеs соmmеnt Μаldоrоr... Lесtеur, с’еst pеut-êtrе lа hаinе quе tu vеuх quе ј’invоquе... Ρlût аu сiеl quе lе lесtеur... Lеs mаgаsins dе lа ruе Viviеnnе... Αvаnt d’еntrеr еn mаtièrе, је trоuvе stupidе... оu еncоrе :Lа Sеinе еntrаînе un соrps humаin... Vоiсi lа fоllе qui pаssе еn dаnsаnt... Quе lе lесtеur nе sе fâсhе pаs соntrе mоi... Jе сhеrсhаis unе âmе qui mе rеssеmblât...
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LautréamontLes Chants de Maldoror, 1869
Il y a des heures dans la vie où l’homme, à la chevelure pouilleuse,
jette, l’œil fixe, des regards fauves sur les membranes vertes de
l’espace ; car, il lui semble entendre, devant lui, les ironiques huées
d’un fantôme. Il chancelle et courbe la tête : ce qu’il a entendu, c’est
la voix de la conscience. Alors, il s’élance de la maison, avec la
vitesse d’un fou, prend la première direction qui s’offre à sa stupeur,
et dévore les plaines rugueuses de la campagne. Mais, le fantôme jaune
ne le perd pas de vue, et le poursuit avec une égale vitesse.
Quelquefois, dans une nuit d’orage, pendant que des légions de poulpes
ailés, ressemblant de loin à des corbeaux, planent au-dessus des nuages,
en se dirigeant d’une rame raide vers les cités des humains, avec la
mission de les avertir de changer de conduite, le caillou, à l’œil
sombre, voit deux êtres passer à la lueur de l’éclair, l’un derrière
l’autre ; et, essuyant une furtive larme de compassion, qui coule de sa
paupière glacée, il s’écrie : « Certes, il le mérite ; et ce n’est que
justice. » Après avoir dit cela, il se replace dans son attitude
farouche, et continue de regarder, avec un tremblement nerveux, la
chasse à l’homme, et les grandes lèvres du vagin d’ombre, d’où
découlent, sans cesse, comme un fleuve, d’immenses spermatozoïdes
ténébreux qui prennent leur essor dans l’éther lugubre, en cachant, avec
le vaste déploiement de leurs ailes de chauve-souris, la nature entière,
et les légions solitaires de poulpes, devenues mornes à l’aspect de ces
fulgurations sourdes et inexprimables. Mais, pendant ce temps, le
steeple-chase continue entre les deux infatigables coureurs, et le
fantôme lance par sa bouche des torrents de feu sur le dos calciné de
l’antilope humain. Si, dans l’accomplissement de ce devoir, il rencontre
en chemin la pitié qui veut lui barrer le passage, il cède avec
répugnance à ses supplications, et laisse l’homme s’échapper. Le fantôme
fait claquer sa langue, comme pour se dire à lui-même qu’il va cesser la
poursuite, et retourne vers son chenil, jusqu’à nouvel ordre. Sa voix de
condamné s’entend jusque dans les couches les plus lointaines de l’espace ;
et, lorsque son hurlement épouvantable pénètre dans le cœur humain,
celui-ci préférerait avoir, dit-on, la mort pour mère que le remords pour
fils. Il enfonce la tête jusqu’aux épaules dans les complications terreuses
d’un trou ; mais, la conscience volatilise cette ruse d’autruche.
L’excavation s’évapore, goutte d’éther ; la lumière apparaît, avec son
cortège de rayons, comme un vol de courlis qui s’abat sur les lavandes ; et
l’homme se retrouve en face de lui-même, les yeux ouverts et blêmes. Je
l’ai vu se diriger du côté de la mer, monter sur un promontoire déchiqueté
et battu par le sourcil de l’écume ; et, comme une flèche, se précipiter
dans les vagues. Voici le miracle : le cadavre reparaissait, le lendemain,
sur la surface de l’océan, qui reportait au rivage cette épave de chair.
L’homme se dégageait du moule que son corps avait creusé dans le sable,
exprimait l’eau de ses cheveux mouillés, et reprenait, le front muet et
penché, le chemin de la vie. La conscience juge sévèrement nos pensées et
nos actes les plus secrets, et ne se trompe pas. Comme elle est souvent
impuissante à prévenir le mal, elle ne cesse de traquer l’homme comme un
renard, surtout pendant l’obscurité. Des yeux vengeurs, que la science
ignorante appelle météores, répandent une flamme livide, passent en
roulant sur eux-mêmes, et articulent des paroles de mystère... qu’il
comprend ! Alors, son chevet est broyé par les secousses de son corps,
accablé sous le poids de l’insomnie, et il entend la sinistre respiration
des rumeurs vagues de la nuit. L’ange du sommeil, lui-même, mortellement
atteint au front d’une pierre inconnue, abandonne sa tâche, et remonte
vers les cieux. Eh bien, je me présente pour défendre l’homme, cette fois ;
moi, le contempteur de toutes les vertus ; moi, celui que n’a pas pu oublier le
Créateur, depuis le jour glorieux où, renversant de leur socle les annales
du ciel, où, par je ne sais quel tripotage infâme, étaient consignées sa
puissance et son éternité, j’appliquai mes quatre cents ventouses sur le
dessous de son aisselle, et lui fis pousser des cris terribles... Ils se
changèrent en vipères, en sortant par sa bouche, et allèrent se cacher dans
les broussailles, les murailles en ruine, aux aguets le jour, aux aguets
la nuit. Ces cris, devenus rampants, et doués d’anneaux innombrables, avec
une tête petite et aplatie, des yeux perfides, ont juré d’être en arrêt
devant l’innocence humaine ; et, quand celle-ci se promène dans les
enchevêtrements des maquis, ou au revers des talus ou sur les sables
des dunes, elle ne tarde pas à changer d’idée. Si, cependant, il en est
temps encore ; car, des fois, l’homme aperçoit le poison s’introduire
dans les veines de sa jambe, par une morsure presque imperceptible,
avant qu’il ait eu le temps de rebrousser chemin, et de gagner le large.
C’est ainsi que le Créateur, conservant un sang-froid admirable, jusque
dans les souffrances les plus atroces, sait retirer, de leur propre
sein, des germes nuisibles aux habitants de la terre. Quel ne fut pas
son étonnement, quand il vit Maldoror, changé en poulpe, avancer contre
son corps ses huit pattes monstrueuses, dont chacune, lanière solide,
aurait pu embrasser facilement la circonférence d’une planète ! Pris au
dépourvu, il se débattit, quelques instants, contre cette étreinte
visqueuse, qui se resserrait de plus en plus... je craignais quelque
mauvais coup de sa part ; après m’être nourri abondamment des globules de
ce sang sacré, je me détachai brusquement de son corps majestueux, et je
me cachai dans une caverne, qui, depuis lors, resta ma demeure. Après
des recherches infructueuses, il ne put m’y trouver. Il y a longtemps de
ça ; mais, je crois que maintenant il sait où est ma demeure ; il se garde
d’y rentrer ; nous vivons, tous les deux, comme deux monarques voisins,
qui connaissent leurs forces respectives, ne peuvent se vaincre l’un
l’autre, et sont fatigués des batailles inutiles du passé. Il me craint,
et je le crains ; chacun, sans être vaincu, a éprouvé les rudes coups
de son adversaire, et nous en restons là. Cependant, je suis prêt à
recommencer la lutte, quand il le voudra. Mais, qu’il n’attende pas
quelque moment favorable à ses desseins cachés. Je me tiendrai toujours
sur mes gardes, en ayant l’œil sur lui. Qu’il n’envoie plus sur la
terre la conscience et ses tortures. J’ai enseigné aux hommes les armes
avec lesquelles on peut la combattre avec avantage. Ils ne sont pas
encore familiarisés avec elle ; mais, tu sais que, pour moi, elle est
comme la paille qu’emporte le vent. J’en fais autant de cas. Si je
voulais profiter de l’occasion, qui se présente, de subtiliser ces
discussions poétiques, j’ajouterais que je fais même plus de cas de la
paille que de la conscience ; car, la paille est utile pour le bœuf qui
la rumine, tandis que la conscience ne sait montrer que ses griffes
d’acier. Elles subirent un pénible échec, le jour où elles se placèrent
devant moi. Comme la conscience avait été envoyée par le Créateur, je
crus convenable de ne pas me laisser barrer le passage par elle. Si elle
s’était présentée avec la modestie et l’humilité propres à son rang, et
dont elle n’aurait jamais dû se départir, je l’aurais écoutée. Je
n’aimais pas son orgueil. J’étendis une main, et sous mes doigts broyai
les griffes ; elles tombèrent en poussière, sous la pression croissante
de ce mortier de nouvelle espèce. J’étendis l’autre main, et lui
arrachai la tête. Je chassai ensuite, hors de ma maison, cette femme, à
coups de fouet, et je ne la revis plus. J’ai gardé sa tête en souvenir
de ma victoire... Une tête à la main, dont je rongeais le crâne, je me
suis tenu sur un pied, comme le héron, au bord du précipice creusé dans
les flancs de la montagne. On m’a vu descendre dans la vallée, pendant
que la peau de ma poitrine était immobile et calme, comme le couvercle
d’une tombe ! Une tête à la main, dont je rongeais le crâne, j’ai nagé
dans les gouffres les plus dangereux, longé les écueils mortels, et
plongé plus bas que les courants, pour assister, comme un étranger, aux
combats des monstres marins ; je me suis écarté du rivage, jusqu’à le
perdre de ma vue perçante ; et, les crampes hideuses, avec leur magnétisme
paralysant, rôdaient autour de mes membres, qui fendaient les vagues avec
des mouvements robustes, sans oser approcher. On m’a vu revenir, sain et
sauf, dans la plage, pendant que la peau de ma poitrine était immobile et
calme, comme le couvercle d’une tombe ! Une tête à la main, dont je
rongeais le crâne, j’ai franchi les marches ascendantes d’une tour élevée.
Je suis parvenu, les jambes lasses, sur la plate-forme vertigineuse. J’ai
regardé la campagne, la mer ; j’ai regardé le soleil, le firmament ;
repoussant du pied le granit qui ne recula pas, j’ai défié la mort et la
vengeance divine par une huée suprême, et me suis précipité, comme un pavé,
dans la bouche de l’espace. Les hommes entendirent le choc douloureux et
retentissant qui résulta de la rencontre du sol avec la tête de la
conscience, que j’avais abandonnée dans ma chute. On me vit descendre,
avec la lenteur de l’oiseau, porté par un nuage invisible, et ramasser
la tête, pour la forcer à être témoin d’un triple crime, que je devais
commettre le jour même, pendant que la peau de ma poitrine était immobile
et calme, comme le couvercle d’une tombe ! Une tête à la main, dont je
rongeais le crâne, je me suis dirigé vers l’endroit où s’élèvent les
poteaux qui soutiennent la guillotine. J’ai placé la grâce suave des cous
de trois jeunes filles sous le couperet. Exécuteur des hautes-œuvres, je
lâchai le cordon avec l’expérience apparente d’une vie entière ; et, le fer
triangulaire, s’abattant obliquement, trancha trois têtes qui me
regardaient avec douceur. Je mis ensuite la mienne sous le rasoir pesant,
et le bourreau prépara l’accomplissement de son devoir. Trois fois, le
couperet redescendit entre les rainures avec une nouvelle vigueur ; trois
fois, ma carcasse matérielle, surtout au siège du cou, fut remuée jusqu’en
ses fondements, comme lorsqu’on se figure en rêve être écrasé par une
maison qui s’effondre. Le peuple stupéfait me laissa passer, pour m’écarter
de la place funèbre ; il m’a vu ouvrir avec mes coudes ses flots
ondulatoires, et me remuer, plein de vie, avançant devant moi, la tête
droite, pendant que la peau de ma poitrine était immobile et calme, comme
le couvercle d’une tombe ! J’avais dit que je voulais défendre l’homme,
cette fois ; mais, je crains que mon apologie ne soit pas l’expression de la
vérité ; et, par conséquent, je préfère me taire. C’est avec reconnaissance
que l’humanité applaudira à cette mesure !
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