Raoul Ponchon


Émotion inséparable...


 

GAZETTE RIMÉE


             

À Fernand Xau.


Ô mon Fernand, ma vieille branche,
Crois-tu que si, chaque dimanche,
Je viens icigo poésir,
C’est parce que cela m’amuse ?
Cristi, non ! demande à ma muse :
C’est bien pour te faire plaisir.
 
Ainsi donc... comme ça... tu aimes
Et l’art confus de mes poèmes,
Et ma manière de rimer ?
Diable ! cela me paraît grave ;
Ne le dis pas trop haut, mon brave,
Sans quoi l’on pourrait t’enfermer.
 
Pour moi, que la peste m’emporte
Si, devant que passer la porte
De cet hôtel tant bel à voir,
Il ne me vint pas tout de suite
Le désir de prendre la fuite,
Sans en vouloir plus long savoir.
 
Non — m’écriai-je — Vierge sainte !
Pour pénétrer dans cette enceinte
Je n’ai pas d’assez beaux dessous.
Au lieu d’avoir, selon l’usage,
Quelque respect pour mon grand âge,
Sans doute on va m’offrir deux sous ?
 
Que de richesses ! que de lampes !
Que de salons et que de rampes
Tout le long de que d’escaliers !
Et combien de tapis de Perse !
Certes, ou je me trompe à verse,
Ou me faut ôter mes souliers.
 
Ici, de très nobles peintures
Se marient aux architectures ;
Chefs-d’œuvre Véronésiens ;
Un peu plus loin, ne vous déplaise,
Je vois des panneaux Louis-Seize
S’ils ne sont pas Louis-quinziens.
 
Et là, derrière cette grille...
Est-ce un lion ?... est-ce un gorille ?...
Non, non, c’est le caissier puissant.
— Pardon... dame, à vous je me fie,
N’en ayant onc vu de ma vie :
Sur mon âme, il est ravissant !
 
Or voici, sur ces entrefaites,
Éclore la salle des fêtes
Qui n’est que neige pure et qu’or
Comme le bon goût le commande.
J’ai l’air de quoi, je vous demande,
En ce prestigieux décor ?
 
J’oubliais un point méritoire !
On y trouve aussi de quoi boire...
Décidément, je prends congé ;
Ami, je te le dis sans rire,
Je ne saurais jamais écrire
Dans un journal si bien logé.
 
Mais quoi ! je n’ai rien dit encore
Du vrai luxe qui le décore :
N’est-ce point cette floraison
D’écrivains dignes de mémoire,
Qui sont en même temps la gloire
Et l’honneur de cette maison ?
 
Que de poètes et d’artistes,
De délicieux fantaisistes
Et de psychologues subtils !
Que d’originales pensées
Par eux tous les jours dépensées
De gais quotidiens babils !
 
Le moindre de cette pléiade
Pourrait écrire l’Iliade
Ou l’Éthique de Spinoza...
Tandis que moi, simple bélître,
À peine distinguè-je un litre
D’une branche de mimosa.
 
Las ! pauvre poète burlesque,
Tintamarro-funambulesque,
Qu’est-ce que je viens faire ici,
Moi, qui m’attarde, en quelque sorte,
— Si la vanité ne m’emporte — 
Entre Scarron et D’Assoucy ?
 
Je m’y fais l’effet, ou, je meure,
D’une punaise dans le beurre...
Que sais-je, moi ?... d’un musulman
Au Palais-Bourbon... d’un tzigane
— Si vous aimez mieux — qui bécane
Sur les terres d’un Caraman...
 
Enfin, ô Xau, s’il faut tout dire,
En venant au Journal écrire,
Serai-je pas ce Brichanteau
Qui, sur son théâtre passable,
Devient aussitôt exécrable
Dès qu’il a changé de tréteau ?
 

in Le Journal, 1er février 1897

Commentaire (s)

Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Dеlаruе-Μаrdrus : Lа Ρоmmе

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Du Βеllау : «Αprès аvоir lоngtеmps еrré sur lе rivаgе...»

Hugо : Βооz еndоrmi

Μаllаrmé : Αmiеs

Μilоsz : Sоlitudе

Lаmаndé : Βаtifоlаgе

Lеvеу : Jаpоn — Νаgаsаki

Lеvеу : Сôtе d’Αzur — Νiсе

☆ ☆ ☆ ☆

Éсоuсhаrd-Lеbrun : «Μаîtrеssе, Αmis, fаisаiеnt mоn biеn suprêmе...»

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Rеnаrd : Lе Суgnе

Νеlligаn : Lе Viоlоn brisé

Εlskаmp : «À présеnt с’еst еnсоr Dimаnсhе...»

Vеrlаinе : Fаdаisеs

Vеrlаinе : Unе grаndе dаmе

Lесоntе dе Lislе : Sûrуâ

Rоllinаt : L’Αmаntе mасаbrе

Vеrlаinе : «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur L’Εnfеr (Αpоllinаirе)

De Jаdis sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе)

De Jаdis sur «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur Lа Ρоmmе (Dеlаruе-Μаrdrus)

De Сосhоnfuсius sur Rêvе : «Jе nе puis m’еndоrmir, је rêvе...» (Lаfоrguе)

De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd)

De Сосhоnfuсius sur «Сеuх qui sоnt аmоurеuх, lеurs аmоurs сhаntеrоnt...» (Du Βеllау)

De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt)

De Сurаrе- sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)

De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt)

De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу)

De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin)

De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs)

De Τristаn Βеrnаrd sur Lеs Соnquérаnts (Hеrеdiа)

De Lа Μusérаntе sur Sоnnеt dе Ρоrсеlаinе (Viviеn)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе