Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux,
Vois comme la nature, ainsi que du visage,
Nous a faits différents de mœurs et de courage,
Et ce qui plaît à l’un, à l’autre est odieux.
Tu dis : Je ne puis voir un sot audacieux
Qui un moindre que lui brave à son avantage,
Qui s’écoute parler, qui farde son langage,
Et fait croire de lui qu’il est mignon des dieux.
Je suis tout au contraire, et ma raison est telle :
Celui dont la douleur courtoisement m’appelle,
Me fait outre mon gré courtisan devenir :
Mais de tel entretien le brave me dispense :
Car n’étant obligé vers lui de récompense,
Je le laisse tout seul lui-même entretenir.
Cet ermite n’a plus, d’un Empereur, les yeux ;
Il a d’un bûcheron le paisible visage,
Il a d’un braconnier l’indifférent courage,
Il est sans nul pouvoir, à la face des Cieux.
Il dit : Je finirai mon parcours en ces lieux
Sans vouloir en tirer d’excessifs avantages ;
Le langage du vent deviendra mon langage,
Je ne scruterai plus les arcanes des dieux.
Ainsi qu’est la saison, mon âme sera telle.
Je vais où le chemin me conduit et m’appelle,
Et je deviens celui que je peux devenir.
Aux bois, de gouverner, l’Empereur se dispense,
Ou bien d’administrer primes et récompenses :
Sa paisible vieillesse il veut entretenir.