Je ne commis jamais fraude ni maléfice,
Je ne doutai jamais des points de notre foi,
Je n’ai point violé l’ordonnance du roi,
Et n’ai point éprouvé la rigueur de justice :
J’ai fait à mon seigneur fidèlement service,
Je fais pour mes amis ce que je puis et doi,
Et crois que jusqu’ici nul ne se plaint de moi,
Que vers lui j’aie fait quelque mauvais office.
Voilà ce que je suis. Et toutefois, Vineus,
Comme un qui est aux dieux et aux hommes haineux
Le malheur me poursuit et toujours m’importune :
Mais j’ai ce beau confort en mon adversité,
C’est qu’on dit que je n’ai ce malheur mérité,
Et que digne je suis de meilleure fortune.
La harpe du sorcier chante des maléfices ; Le corbeau les répète au hasard des vents froids. L’épouvante grandit dans la forêt du roi Aux arbres se dressant, tels des bois de justice.
Un grand canard d’argent s’immole en sacrifice Afin de consacrer les Tables de la Loi ; La salamandre allume un feu de bon aloi Et rajoute à la sauce une poignée d’épices.
C’est une nuit de mars aux noirs envoûtements ; Les paysans du coin s’enferment prudemment, Attendant le retour de l’aube purpurine.
Allons, dit le sorcier, cessez de voir le mal Dans ces actions qui n’ont rien que de très normal ! Ça me prend, quelquefois, de me mettre en cuisine.