Paul Claudel(1868-1955) Connaissance de l'Est(1907) 1895 — 1905Fêtе dеs mоrts lе sеptièmе mоis Lе Sédеntаirе 1900 — 1905 |
Paul ClaudelConnaissance de l'Est, 1907
J’habite le plus haut étage et le coin de la demeure spacieuse et carrée. J’ai encastré mon lit dans l’ouverture de la fenêtre, et, quand le soir vient, tel que l’épouse d’un dieu qui monte avec taciturnité sur la couche, tout de mon long et nu, je m’étends, le visage contre la nuit. À quelque moment soulevant une paupière alourdie par la ressemblance de la mort, j’ai mélangé mon regard à une certaine couleur de rose. Mais à cette heure, avec un gémissement émergeant de nouveau de ce sommeil pareil à celui du premier homme, je m’éveille dans la vision de l’or. Le tissu léger de la moustiquaire ondule sous l’ineffable haleine. Voici la lumière, dépouillée de chaleur, même, et me tordant lentement dans le froid délectable, si je sors mon bras nu, il m’est loisible de l’avancer jusqu’à l’épaule dans la consistance de la gloire, de l’enfoncer en fouillant de la main dans le jaillissement de l’éternité, pareil au frissonnement de la source. Je vois, avec une puissance irrésistible, de bas en haut déboucher l’estuaire de magnificence dans le ciel tel qu’un bassin concave et limpide, couleur de feuille de mûre. Seule la face du soleil et ses feux insupportables me chasseront de mon lit, seule la force mortelle de ses dards. Je prévois qu’il me faudra passer la journée dans le jeûne et la séparation. Quelle eau sera assez pure pour me désaltérer ? de quel fruit, pour en assouvir mon cœur, détacherai-je avec un couteau d’or la chair ? Mais après que le soleil, suivi comme un berger par la mer et par le peuple des hommes mortels qui se lèvent en rangs successifs, a achevé de monter, il est Midi, et tout ce qui occupe une dimension dans l’espace est enveloppé par lame du feu, plus blanche que la foudre. Le monde est effacé, et les sceaux de la fournaise rompus, toutes choses, au sein de ce nouveau déluge, se sont évanouies. J’ai fermé toutes les fenêtres. Prisonnier de la lumière, je tiens le journal de ma captivité. Et tantôt, la main sur le papier, j’écris, par une fonction en rien différente du ver-à-soie qui fait son fil de la feuille qu’il dévore ; tantôt j’erre par les chambres ténébreuses, de la salle à manger, par le salon, ou un moment je suspends ma main sur le couvercle de l’orgue, à cette pièce nue, au centre de qui redoutablement se tient seule la table du travail. Et intérieur à ces lignes blanches qui marquent les fissures de ma prison hermétique, je mûris la pensée de l’holocauste ; ah ! s’il est enviable de se dissoudre dans l’étreinte flamboyante, enlevé dans le tourbillon du souffle véhément, combien plus beau le supplice d’un esprit dévoré par la lumière ! Et quand l’après-midi s’imprègne de cette brûlante douceur par qui le soir est précédé, semblable au sentiment de l’amour paternel, ayant purifié mon corps et mon esprit je remonte à la chambre la plus haute. Et, me saisissant d’un livre inépuisable, j’y poursuis l’étude de l’Être, la distinction de la personne et de la substance, des qualités et des prédicaments. Entre les deux rangées de maisons, la vision d’un fleuve termine ma rue ; l’énorme coulée d’argent fume, et les grands navires aux voiles blanches avec une grâce molle et superbe traversent la splendide coupure. Et je vois devant moi ce « Fleuve » même « de la Vie », dont jadis, enfant, j’empruntais l’image aux discours de la Morale. Mais je ne nourris plus la pensée aujourd’hui, nageur opiniâtre, d’atterrir parmi les roseaux, le ventre dans la vase de l’autre rive : sous la salutation des palmes, dans le silence interrompu par le cri du perroquet, que la cascade grêle derrière le feuillage charnu du magnolia claquant sur le gravier m’invite, que le rameau fabuleux descende sous le poids des myrobolans et des pommes-grenades, je ne considérerai plus, arrachant mon regard à la science angélique, quel jardin est offert à mon goûter et à ma récréation.
|
Mon florilège(Tоuriste) (Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.) Compte lecteurAgoraÉvаluations récеntes☆ ☆ ☆ ☆ ☆Βаudеlаirе : Lеs Ρlаintеs d’un Ιсаrе Βаnvillе : À Αdоlphе Gаïffе Du Ρеrrоn : «Αu bоrd tristеmеnt dоuх dеs еаuх...» Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе Νuуsеmеnt : «Lе vаutоur аffаmé qui du viеil Ρrоméthéе...» Lа Сеppèdе : «Сеpеndаnt lе sоlеil fоurnissаnt sа јоurnéе...» Τоulеt : «Dаns lе silеnсiеuх аutоmnе...» Μussеt : À Αlf. Τ. : «Qu’il еst dоuх d’êtrе аu mоndе, еt quеl biеn quе lа viе !...» Vеrlаinе : «Lа mеr еst plus bеllе...» ☆ ☆ ☆ ☆Βаudеlаirе : Unе сhаrоgnе Lаfоrguе : Lе Sаnglоt univеrsеl Сrоs : Ρituitе Jаmmеs : Lа sаllе à mаngеr Régniеr : Lа Lunе јаunе Rоdеnbасh : «Αllеluiа ! Сlосhеs dе Ρâquеs !...» Lаfоrguе : Соmplаintе d’un аutrе dimаnсhе Vеrlаinе : Lе Dеrniеr Dizаin Νоël : Visiоn Cоmmеntaires récеntsDe Сосhоnfuсius sur Lе Grаnd Αrbrе (Μérаt) De Сосhоnfuсius sur «Jе vоudrаis êtrе аinsi соmmе un Ρеnthéе...» (Gоdаrd) De Сосhоnfuсius sur Sаintе (Μаllаrmé) De Dаmе dе flаmmе sur Vеrlаinе De Сurаrе- sur Sur l’Hélènе dе Gustаvе Μоrеаu (Lаfоrguе) De Dаmе dе flаmmе sur Οisеаuх dе pаssаgе (Riсhеpin) De Сurаrе- sur «Ιl n’еst riеn dе si bеаu соmmе Саlistе еst bеllе...» (Μаlhеrbе) De Xi’аn sur Lе Gigоt (Ρоnсhоn) De Jаdis sur «Lе Sоlеil l’аutrе јоur sе mit еntrе nоus dеuх...» (Rоnsаrd) De Jаdis sur «Qu’еst-се dе vоtrе viе ? unе bоutеillе mоllе...» (Сhаssignеt) De Dаmе dе flаmmе sur À sоn lесtеur : «Lе vоilà сеt аutеur qui sаit pinсеr еt rirе...» (Dubоs) De Yеаts sur Ρаul-Jеаn Τоulеt De Ιо Kаnааn sur «Μаîtrеssе, quаnd је pеnsе аuх trаvеrsеs d’Αmоur...» (Rоnsаrd) De Rоzès sur Μédесins (Siсаud) De Dаmе dе flаmmе sur «Hélаs ! vоiсi lе јоur quе mоn mаîtrе оn еntеrrе...» (Rоnsаrd) De Jаdis sur «J’аdоrе lа bаnliеuе аvес sеs сhаmps еn friсhе...» (Соppéе) De Rоzès sur Lе Сhеmin dе sаblе (Siсаud) De Sеzоr sur «Jе vоudrаis biеn êtrе vеnt quеlquеfоis...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе) De KUΝG Lоuisе sur Villе dе Frаnсе (Régniеr) De Xi’аn sur Jеhаn Riсtus De Xi’аn sur «Épоuvаntаblе Νuit, qui tеs сhеvеuх nоirсis...» (Dеspоrtеs) Plus de commentaires...Ce sitePrésеntаtionCоntactSоutien |