Lautréamont(1846-1870) Les Chants de Maldoror(1869) Chant premier +Chant deuxième +Chant troisième +Chant quatrième +Chant cinquième ×Quе lе lесtеur nе sе fâсhе pаs соntrе mоi... Jе vоуаis, dеvаnt mоi, un оbјеt dеbоut sur un tеrtrе... L’аnéаntissеmеnt intеrmittеnt dеs fасultés humаinеs... Ô pédérаstеs inсоmpréhеnsiblеs... Silеnсе ! il pаssе un соrtègе funérаirе à сôté dе vоus... Chant sixième + |
LautréamontLes Chants de Maldoror, 1869
Silence ! il passe un cortége funéraire à côté de vous. Inclinez la
binarité de vos rotules vers la terre et entonnez un chant
d’outre-tombe. (Si vous considérez mes paroles plutôt comme une simple
forme impérative, que comme un ordre formel qui n’est pas à sa place,
vous montrerez de l’esprit et du meilleur.) Il est possible que vous
parveniez de la sorte à réjouir extrêmement l’âme du mort, qui va se
reposer de la vie dans une fosse. Même le fait est, pour moi, certain.
Remarquez que je ne dis pas que votre opinion ne puisse jusqu’à un
certain point être contraire à la mienne ; mais, ce qu’il importe avant
tout, c’est de posséder des notions justes sur les bases de la morale,
de telle manière que chacun doive se pénétrer du principe qui commande
de faire à autrui ce que l’on voudrait peut-être qui fût fait à
soi-même. Le prêtre des religions ouvre le premier la marche, en tenant
à la main un drapeau blanc, signe de la paix, et de l’autre un emblème
d’or qui représente les parties de l’homme et de la femme, comme pour
indiquer que ces membres charnels sont la plupart du temps, abstraction
faite de toute métaphore, des instruments très dangereux entre les mains
de ceux qui s’en servent, quand ils les manipulent aveuglément pour des
buts divers qui se querellent entre eux, au lieu d’engendrer une
opportune réaction contre la passion connue qui cause presque tous nos
maux. Au bas de son dos est attachée (artificiellement, bien entendu)
une queue de cheval, aux crins épais, qui balaie la poussière du sol.
Elle signifie de prendre garde de ne pas nous ravaler par notre conduite
au rang des animaux. Le cercueil connaît sa route et marche après la
tunique flottante du consolateur. Les parents et les amis du défunt, par
la manifestation de leur position, ont résolu de fermer la marche du
cortège. Celui-ci s’avance avec majesté, comme un vaisseau qui fend la
pleine mer, et ne craint pas le phénomène de l’enfoncement ; car, au
moment actuel, les tempêtes et les écueils ne se font pas remarquer par
quelque chose de moins que leur explicable absence. Les grillons et
les crapauds suivent à quelques pas la fête mortuaire ; eux, aussi,
n’ignorent pas que leur modeste présence aux funérailles de quiconque
leur sera un jour comptée. Ils s’entretiennent à voix basse dans leur
pittoresque langage (ne soyez pas assez présomptueux, permettez-moi de
vous donner ce conseil non intéressé, pour croire que vous seul possédez
la précieuse faculté de traduire les sentiments de votre pensée) de
celui qu’ils regardèrent plus d’une fois courir à travers les prairies
verdoyantes, et plonger la sueur de ses membres dans les bleuâtres
vagues des golfes arénacés. D’abord, la vie parut lui sourire sans
arrière-pensée, et, magnifiquement, le couronna de fleurs ; mais, puisque
votre intelligence elle-même s’aperçoit ou plutôt devine qu’il s’est
arrêté aux limites de l’enfance, je n’ai pas besoin, jusqu’à l’apparition
d’une rétractation véritablement nécessaire, de continuer les prolégomènes
de ma rigoureuse démonstration. Dix ans. Nombre exactement calqué, à s’y
méprendre, sur celui des doigts de la main. C’est peu et c’est beaucoup.
Dans le cas qui nous préoccupe, cependant, je m’appuierai sur votre amour
envers la vérité, pour que vous prononciez, avec moi, sans tarder une
seconde de plus, que c’est peu. Et, quand je réfléchis sommairement à ces
ténébreux mystères, par lesquels un être humain disparaît de la terre,
aussi facilement qu’une mouche ou une libellule, sans conserver l’espérance
d’y revenir, je me surprends à couver le vif regret de ne pas probablement
pouvoir vivre assez longtemps, pour vous bien expliquer ce que je n’ai pas
la prétention de comprendre moi-même. Mais, puisqu’il est prouvé que, par
un hasard extraordinaire, je n’ai pas encore perdu la vie depuis ce
temps lointain où je commençai, plein de terreur, la phrase précédente,
je calcule mentalement qu’il ne sera pas inutile ici, de construire
l’aveu complet de mon impuissance radicale, quand il s’agit surtout,
comme à présent, de cette imposante et inabordable question. C’est,
généralement parlant, une chose singulière que la tendance attractive
qui nous porte à rechercher (pour ensuite les exprimer) les
ressemblances et les différences que recèlent, dans leurs naturelles
propriétés, les objets les plus opposés entre eux, et quelquefois les
moins aptes, en apparence, à se prêter à ce genre de combinaisons
sympathiquement curieuses, et qui, ma parole d’honneur, donnent
gracieusement au style de l’écrivain, qui se paie cette personnelle
satisfaction, l’impossible et inoubliable aspect d’un hibou sérieux
jusqu’à l’éternité. Suivons en conséquence le courant qui nous entraîne.
Le milan royal a les ailes proportionnellement plus longues que les
buses, et le vol bien plus aisé : aussi passe-t-il sa vie dans l’air.
Il ne se repose presque jamais et parcourt chaque jour des espaces
immenses ; et ce grand mouvement n’est point un exercice de chasse, ni
poursuite de proie, ni même de découverte ; car, il ne chasse pas ; mais,
il semble que le vol soit son état naturel, sa favorite situation. L’on
ne peut s’empêcher d’admirer la manière dont il l’exécute. Ses ailes
longues et étroites paraissent immobiles ; c’est la queue qui croit
diriger toutes les évolutions, et la queue ne se trompe pas : elle agit
sans cesse. Il s’élève sans effort ; il s’abaisse comme s’il glissait sur
un plan incliné ; il semble plutôt nager que voler ; il précipite sa
course, il la ralentit, s’arrête, et reste comme suspendu ou fixé à la
même place, pendant des heures entières. L’on ne peut s’apercevoir
d’aucun mouvement dans ses ailes : vous ouvririez les yeux comme la porte
d’un four, que ce serait d’autant inutile. Chacun a le bon sens de
confesser sans difficulté (quoique avec un peu de mauvaise grâce) qu’il
ne s’aperçoit pas, au premier abord, du rapport, si lointain qu’il soit,
que je signale entre la beauté du vol du milan royal, et celle de la
figure de l’enfant, s’élevant doucement, au-dessus du cercueil
découvert, comme un nénuphar qui perce la surface des eaux ; et voilà
précisément en quoi consiste l’impardonnable faute qu’entraîne
l’inamovible situation d’un manque de repentir, touchant l’ignorance
volontaire dans laquelle on croupit. Ce rapport de calme majesté entre
les deux termes de ma narquoise comparaison n’est déjà que trop commun,
et d’un symbole assez compréhensible, pour que je m’étonne davantage de
ce qui ne peut avoir, comme seule excuse, que ce même caractère de
vulgarité qui fait appeler, sur tout objet ou spectacle qui en est
atteint, un profond sentiment d’indifférence injuste. Comme si ce qui se
voit quotidiennement n’en devrait pas moins réveiller l’attention de
notre admiration ! Arrivé à l’entrée du cimetière, le cortège s’empresse
de s’arrêter ; son intention n’est pas d’aller plus loin. Le fossoyeur
achève le creusement de la fosse ; l’on y dépose le cercueil avec toutes
les précautions prises en pareil cas ; quelques pelletées de terre
inattendues viennent recouvrir le corps de l’enfant. Le prêtre des
religions, au milieu de l’assistance émue, prononce quelques paroles
pour bien enterrer le mort, davantage, dans l’imagination des
assistants. « Il dit qu’il s’étonne beaucoup de ce que l’on verse ainsi
tant de pleurs, pour un acte d’une telle insignifiance. Textuel. Mais il
craint de ne pas qualifier suffisamment ce qu’il prétend, lui, être un
incontestable bonheur. S’il avait cru que la mort est aussi peu
sympathique dans sa naïveté, il aurait renoncé à son mandat, pour ne pas
augmenter la légitime douleur des nombreux parents et amis du défunt ;
mais, une secrète voix l’avertit de leur donner quelques consolations,
qui ne seront pas inutiles, ne fût-ce que celle qui ferait entrevoir
l’espoir d’une prochaine rencontre dans les cieux entre celui qui mourut
et ceux qui survécurent. » Maldoror s’enfuyait au grand galop, en
paraissant diriger sa course vers les murailles du cimetière. Les sabots
de son coursier élevaient autour de son maître une fausse couronne de
poussière épaisse. Vous autres, vous ne pouvez savoir le nom de ce
cavalier ; mais, moi, je le sais. Il s’approchait de plus en plus ; sa
figure de platine commençait à devenir perceptible, quoique le bas en
fût entièrement enveloppé d’un manteau que le lecteur s’est gardé d’ôter
de sa mémoire et qui ne laissait apercevoir que les yeux. Au milieu de
son discours, le prêtre des religions devient subitement pâle, car son
oreille reconnaît le galop irrégulier de ce célèbre cheval blanc qui
n’abandonna jamais son maître. « Oui, ajouta-t-il de nouveau, ma
confiance est grande dans cette prochaine rencontre ; alors, on
comprendra, mieux qu’auparavant, quel sens il fallait attacher à la
séparation temporaire de l’âme et du corps. Tel qui croit vivre sur
cette terre se berce d’une illusion dont il importerait d’accélérer
l’évaporation. » Le bruit du galop s’accroissait de plus en plus ; et,
comme le cavalier, étreignant la ligne d’horizon, paraissait en vue,
dans le champ d’optique qu’embrassait le portail du cimetière, rapide
comme un cyclone giratoire, le prêtre des religions plus gravement
reprit : « Vous ne semblez pas vous douter que celui-ci, que la maladie
força de ne connaître que les premières phases de la vie, et que la
fosse vient de recevoir dans son sein, est l’indubitable vivant ; mais,
sachez au moins que celui-là, dont vous apercevez la silhouette
équivoque emportée par un cheval nerveux, et sur lequel je vous
conseille de fixer le plus tôt possible les yeux, car il n’est plus
qu’un point, et va bientôt disparaître dans la bruyère, quoiqu’il ait
beaucoup vécu, est le seul véritable mort. »
|
Mon florilège(Tоuriste) (Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.) Compte lecteurAgoraÉvаluations récеntes☆ ☆ ☆ ☆ ☆Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе Βаudеlаirе : Lеs Ρlаintеs d’un Ιсаrе Βаnvillе : À Αdоlphе Gаïffе Du Ρеrrоn : «Αu bоrd tristеmеnt dоuх dеs еаuх...» Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе Νuуsеmеnt : «Lе vаutоur аffаmé qui du viеil Ρrоméthéе...» Lа Сеppèdе : «Сеpеndаnt lе sоlеil fоurnissаnt sа јоurnéе...» Τоulеt : «Dаns lе silеnсiеuх аutоmnе...» Μussеt : À Αlf. Τ. : «Qu’il еst dоuх d’êtrе аu mоndе, еt quеl biеn quе lа viе !...» Vеrlаinе : «Lа mеr еst plus bеllе...» Jасоb : Lе Dépаrt ☆ ☆ ☆ ☆Lаfоrguе : Lе Sаnglоt univеrsеl Сrоs : Ρituitе Jаmmеs : Lа sаllе à mаngеr Régniеr : Lа Lunе јаunе Rоdеnbасh : «Αllеluiа ! Сlосhеs dе Ρâquеs !...» Lаfоrguе : Соmplаintе d’un аutrе dimаnсhе Vеrlаinе : Lе Dеrniеr Dizаin Cоmmеntaires récеntsDe Сосhоnfuсius sur Lеs Quаtrе-Соins (Sаtiе) De Xi’аn sur «Αimеz-vоus l’оdеur viеillе...» (Μilоsz) De Сосhоnfuсius sur L’Αbrеuvоir (Αutrаn) De Сосhоnfuсius sur Lе Grаnd Αrbrе (Μérаt) De Dаmе dе flаmmе sur Vеrlаinе De Сurаrе- sur Sur l’Hélènе dе Gustаvе Μоrеаu (Lаfоrguе) De Dаmе dе flаmmе sur Οisеаuх dе pаssаgе (Riсhеpin) De Сurаrе- sur «Ιl n’еst riеn dе si bеаu соmmе Саlistе еst bеllе...» (Μаlhеrbе) De Xi’аn sur Lе Gigоt (Ρоnсhоn) De Jаdis sur «Lе Sоlеil l’аutrе јоur sе mit еntrе nоus dеuх...» (Rоnsаrd) De Jаdis sur «Qu’еst-се dе vоtrе viе ? unе bоutеillе mоllе...» (Сhаssignеt) De Dаmе dе flаmmе sur À sоn lесtеur : «Lе vоilà сеt аutеur qui sаit pinсеr еt rirе...» (Dubоs) De Yеаts sur Ρаul-Jеаn Τоulеt De Ιо Kаnааn sur «Μаîtrеssе, quаnd је pеnsе аuх trаvеrsеs d’Αmоur...» (Rоnsаrd) De Rоzès sur Μédесins (Siсаud) De Dаmе dе flаmmе sur «Hélаs ! vоiсi lе јоur quе mоn mаîtrе оn еntеrrе...» (Rоnsаrd) De Jаdis sur «J’аdоrе lа bаnliеuе аvес sеs сhаmps еn friсhе...» (Соppéе) De Rоzès sur Lе Сhеmin dе sаblе (Siсаud) De Sеzоr sur «Jе vоudrаis biеn êtrе vеnt quеlquеfоis...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе) De KUΝG Lоuisе sur Villе dе Frаnсе (Régniеr) De Xi’аn sur Jеhаn Riсtus Plus de commentaires...Ce sitePrésеntаtionCоntactSоutien |