Je vois mille beautés, et si n’en vois pas une
Qui contente mes yeux : seule vous me plaisez :
Seule quand je vous vois, mes sens vous apaisez :
Vous êtes mon Destin, mon Ciel et ma Fortune,
Ma Vénus, mon Amour, ma Charite, ma brune,
Qui tous bas pensements de l’esprit me rasez,
Et de belles vertus l’estomac m’embrasez,
Me soulevant de terre au cercle de la Lune.
Mon œil de vos regards goulûment se repaît :
Tout ce qui n’est pas vous lui fâche et lui déplaît,
Tant il a par usance accoutumé de vivre
De votre unique, douce, agréable beauté.
S’il pêche contre vous, affamé de vous suivre,
Ce n’est de son bon gré, c’est par nécessité.
Des étoiles du ciel, s’il faut en choisir une,
Je veux celle qui semble être un miroir brisé :
Alpha de Bérénice, astre favorisé
Dont les grands de ce monde espèrent la fortune.
Ce n’est pas un trou noir ni une naine brune ;
C’est un astre superbe, un soleil irisé
Porteur d’une vertu qu’on ne peut déguiser,
J’en pourrais oublier ma planète et sa lune.
Platon, me semble-t-il, à Socrate en parlait,
Disant «Nous partirions là-bas, si tu voulais,
Pour nous y établir et sagement y vivre.»
Socrate a préféré la terrestre beauté
D’un éphèbe élégant qui brûlait de suivre,
Oubliant le Cosmos et son immensité.