Quand à longs traits je bois l’amoureuse étincelle
Qui sort de tes beaux yeux, les miens sont éblouis :
D’esprit ni de raison, troublé, je ne jouis,
Et comme ivre d’amour, tout le corps me chancelle.
Le cœur me bat au sein : ma chaleur naturelle
Se refroidit de peur : mes sens évanouis
Se perdent dedans l’air, tant tu te réjouis
D’acquérir par ma mort le surnom de cruelle.
Tes regards foudroyants me percent de leurs rais
Tout le corps, tout le cœur, comme pointes de traits
Que je sens dedans l’âme : et quand je me veux plaindre,
Ou demander merci du mal que je reçois,
Si bien ta cruauté me resserre la voix,
Que je n’ose parler, tant tes yeux me font craindre.
Goûte-moi ce vin blanc, toi dont l’oeil étincelle,
Ton âme et ton palais en seront éblouis ;
Le vigneron pour lui prend des soins inouïs,
Peu s’en faut, pour le coup, que mon corps ne chancelle.
Ton âme peut sentir sa chaleur naturelle,
Ton esprit dans l’affaire est comme évanoui ;
Tu te mets à sourire et tu te réjouis,
Tu comprends que la vie n’est pas toujours cruelle.
Le charmant échanson le sert juste assez frais,
Laisse-le reposer, ne le bois pas d’un trait,
Ferme un instant tes yeux, tes tracas vont s’éteindre.
Aristote l’a dit, je suis ce que je bois,
En rêve j’entendis sa magistrale voix ;
De ses sages couleurs mon coeur voudrait se teindre.