Jacques d’Adelswärd-Fersen

Les cortèges qui sont passés, 1903


Amour sauvage et doux...


 
Amour sauvage et doux, ô torturant Amour,
Quel soir ai-je évoqué ta misère et ta gloire ?
Je ne me souviens plus dans quel amer ciboire
J’ai versé le poison qui me tue sans retour !

... Je sais que des parfums venaient de la campagne,
Entraient par ma croisée ouverte sur les bois,
Et qu’un air triste et beau, comme un air d’autrefois,
Se mêlait au refrain des voix de la montagne...
 
Je sais que je rêvais, en regardant le ciel,
À des miroirs brisés, à d’anciens sourires,
À des accents éteints sur d’éphémères lyres,
À des départs déçus pour d’éternels soleils,
 
Et qu’alors j’ai pleuré en désirant ta lèvre !...
L’Amour, c’est ce qui fait deux frères d’un regard,
C’est ce petit enfant ingénu et bavard,
Qui vous touche d’un rien et vous donne la fièvre :
 
C’est le carquois pointu, rempli de flèches d’or,
Qu’une main rose et blonde incessamment taquine,
C’est l’œil bandé de soie et la bouche mutine
D’un Greuze que l’on craint et que l’on veut encor...
 
L’amour, mais c’est joli comme une dédicace
Que l’homme aurait osé rimer pour son bonheur !
L’amour est au baiser ce que l’âme est au cœur,
L’amour que l’on maudit, l’amour que l’on embrasse !...
 
Amour, ce mot charmant et câlin que l’on dit
Les yeux illuminés par des flammes lointaines :
L’amour... cela murmure ainsi qu’une fontaine
Où l’on viendrait puiser de l’eau du Paradis !

L’amour, c’est le parfum des matins de rosée,
C’est la ferveur des jours et le calme des soirs,
C’est la terre endormie et c’est le jeune espoir
Qui chante dans l’esprit de la jeune épousée !
 
L’amour, c’est le printemps quand les nids sont en fleur.
L’amour, c’est le pinson des bois, qui vocalise,
L’amour, c’est l’inconnu qu’avril idéalise
Et qui dit me voilà... d’un sourire vainqueur !
 
Je l’attends, jeune et clair, comme un fruit sur ma bouche,
Il viendra couronné de rêve et de douceur,
Et d’un sourire unique il grisera mon cœur
Je lui donne mon corps, je lui donne ma couche !
 
Apparais donc, Éros, dans un nimbe de feu,
Je me prosternerai en baisant tes pieds frêles,
Abrite ma passion au duvet de tes ailes,
Et mes rates d’amour t’appelleront : mon Dieu !
 
 
 
Or, des parfums brûlaient lentement dans des vases
Exhalant dans la nuit leurs souffles précieux...
Et j’aperçus soudain un fantôme, les yeux
Vides, hagard et doux, marchant comme en extase...
 
Un long manteau de pourpre et d’azur le couvrait,
Des roses d’Orient ceignaient de sang sa tête,
Et des clameurs d’ivresse et des clameurs de fête
Résonnaient à l’écho de lointaines forêts !
 
De ses doigts décharnés il tenait une amphore
Pleine d’un vin charmant qui moussait au soleil,
Et ses regards mourants, à des perles pareils,
Me jetaient un adieu qui espérait encore !
 
Il allait dans sa gloire et dans sa volupté :
De grands arbres bougeurs le frôlaient au passage,
Et lui mirait ses yeux et sa morbide image
Dans le ciel scintillant tel qu’un lac de clarté !
 
Et j’écoutais, ravi, ces voix et ces musiques...
Le soir limpide et doux, le soir évangélique,
Tombait sur tout cela comme pour un baiser...
 

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