Apollinaire(1880-1918) D’autrеs pоèmеs :Lа Соlоmbе pоignаrdéе еt lе Jеt d’еаu оu еncоrе :Lе сiеl еst étоilé pаr lеs оbus dеs Βосhеs...
|
ApollinaireL’Enchanteur pourrissant, 1909
Les charbons du ciel étaient si proches que je craignais leur ardeur. Ils étaient sur le point de me brûler. Mais j’avais la conscience des éternités différentes de l’homme et de la femme. Deux animaux dissemblables s’accouplaient et les rosiers provignaient des treilles qu’alourdissaient des grappes de lune. De la gorge du singe, il sortit des flammes qui fleurdelisèrent le monde. Dans les myrtaies, une hermine blanchissait. Nous lui demandâmes la raison du faux hiver. J’avalai des troupeaux basanés. Orkenise parut à l’horizon. Nous nous dirigeâmes vers cette ville en regrettant les vallons où les pommiers chantaient, sifflaient et rugissaient. Mais le chant des champs labourés était merveilleux :
Mais j’avais la conscience des éternités différentes de l’homme et de la femme. Le ciel allaitait ses pards. J’aperçus alors sur ma main des taches cramoisies. Vers le matin, des pirates emmenèrent neuf vaisseaux ancrés dans le port. Les monarques s’égayaient. Et, les femmes ne voulaient pleurer aucun mort. Elles préfèrent les vieux rois, plus forts en amour que les vieux chiens. Un sacrificateur désira être immolé au lieu de la victime. On lui ouvrit le ventre. J’y vis quatre I, quatre O, quatre D. On nous servit de la viande fraîche et je grandis subitement après en avoir mangé. Des singes pareils à leurs arbres violaient d’anciens tombeaux. J’appelai une de ces bêtes sur qui poussaient des feuilles de laurier. Elle m’apporta une tête faite d’une seule perle. Je la pris dans mes bras et l’interrogeai après l’avoir menacée de la rejeter dans la mer si elle ne me répondait pas. Cette perle était ignorante et la mer l’engloutit.
Mais, j’avais la conscience des éternités différentes de l’homme et de la femme. Deux animaux dissemblables s’aimaient. Cependant les rois seuls ne mouraient point de ce rire et vingt tailleurs aveugles vinrent dans le but de tailler et de coudre un voile destiné à couvrir la sardoine. Je les dirigeai moi-même, à reculons. Vers le soir, les arbres s’envolèrent, les singes devinrent immobiles et je me vis au centuple. La troupe que j’étais s’assit au bord de la mer. De grands vaisseaux d’or passaient à l’horizon. Et quand la nuit fut complète, cent flammes vinrent à ma rencontre. Je procréai cent enfants mâles dont les nourrices furent la lune et la colline. Ils aimèrent les rois désossés que l’on agitait sur les balcons. Arrivé au bord d’un fleuve, je le pris à deux mains et le brandis. Cette épée me désaltéra. Et la source languissante m’avertit que si j’arrêtais le soleil je le verrais carré, en réalité. Centuplé, je nageai vers un archipel. Cent matelots m’accueillirent et m’ayant mené dans un palais, ils m’y tuèrent quatre-vingt-dix-neuf fois. J’éclatai de rire à ce moment et dansai tandis qu’ils pleuraient. Je dansai à quatre pattes. Les matelots n’osaient plus bouger, car j’avais l’aspect effrayant du lion...
À quatre pattes, à quatre pattes.
Mes bras, mes jambes se ressemblaient et mes yeux multipliés me couronnaient attentivement. Je me relevai ensuite pour danser comme les mains et les feuilles.
J’étais ganté. Les insulaires m’emmenèrent dans leurs vergers pour que je cueillisse des fruits semblables à des femmes. Et l’île, à la dérive, alla combler un golfe où du sable aussitôt poussèrent des arbres rouges. Une bête molle couverte de plumes blanches chantait ineffablement et tout un peuple l’admirait sans se lasser. Je retrouvai sur le sol la tête faite d’une seule perle et qui pleurait. Je brandis le fleuve et la foule se dispersa. Des vieillards mangeaient l’ache et immortels ne souffraient pas plus que les morts. Je me sentis libre, libre comme une fleur en sa saison. Le soleil n’est pas plus libre qu’un fruit mûr. Un troupeau d’arbres broutait les étoiles invisibles et l’aurore donnait la main à la tempête. Dans les myrtaies, on subissait l’influence de l’ombre. Tout un peuple entassé dans un pressoir saignait en chantant. Des hommes naquirent de la liqueur qui coulait du pressoir. Ils brandissaient d’autres fleuves qui s’entrechoquaient avec un bruit argentin. Les ombres sortirent des myrtaies et s’en allèrent dans les jardinets qu’arrosait un surgeon d’yeux d’hommes et de bêtes. Le plus beau des hommes me prit à la gorge, mais je parvins à le terrasser. À genoux, il me montra les dents. Je les touchai ; il en sortit des sons qui se changèrent en serpents de la couleur des châtaignes et leur langue s’appelait Sainte-Fabeau. Ils déterrèrent une racine transparente et en mangèrent. Elle était de la grosseur d’une rave. Et mon fleuve au repos les surbaigna sans les noyer. Le ciel était plein de fèces et d’oignons. Je maudissais les astres indignes dont la clarté coulait sur la terre. Nulle créature vivante n’apparaissait plus. Mais des chants s’élevaient de toutes parts. Je visitai des villes vides et des chaumières abandonnées. Je ramassai les couronnes de tous les rois et en fis le ministre immobile du monde loquace. Des vaisseaux d’or, sans matelots, passaient à l’horizon. Des ombres gigantesques se profilaient sur les voiles lointaines. Plusieurs siècles me séparaient de ces ombres. Je me désespérai. Mais, j’avais la conscience des éternités différentes de l’homme et de la femme. Des ombres dissemblables assombrissaient de leur amour l’écarlate des voilures, tandis que mes yeux se multipliaient dans les fleuves, dans les villes et dans la neige des montagnes.
|
Mon florilège(Tоuriste) (Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.) Compte lecteurAgoraÉvаluations récеntes☆ ☆ ☆ ☆ ☆Lеvеу : Jаpоn — Νаgаsаki Lеvеу : Сôtе d’Αzur — Νiсе Ρéguу : L’Αvеuglе Rоllinаt : Rоndеаu du guillоtiné Αuvrау : À unе lаidе аmоurеusе dе l’аutеur Gоudеzki : Sоnnеt d’Αrt Vеrt Sullу Ρrudhоmmе : Lеs Yеuх Rimbаud : Lеs Εffаrés Αrnаult : Lа Fеuillе ☆ ☆ ☆ ☆Rоllinаt : L’Αmаntе mасаbrе Vеrlаinе : «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» Rimbаud : Αlсhimiе du vеrbе Hуspа : Lеs Éléphаnts Lоrrаin : Débutаnt Lе Fèvrе dе Lа Βоdеriе : «Diеu qui еst Un еn Τrоis, pаr pоids, nоmbrе, еt mеsurе...» Hеrеdiа : Lе Ρrisоnniеr Sаint-Αmаnt : «Αssis sur un fаgоt, unе pipе à lа mаin...» Cоmmеntaires récеntsDe Сосhоnfuсius sur «Lа vоiх qui rеtеntit dе l’un à l’аutrе Ρôlе...» (Gоmbаud) De Jаdis sur Саuсhеmаr (Lаfоrguе) De Сосhоnfuсius sur À lа mémоirе d’unе сhаttе nаinе quе ј’аvаis (Lаfоrguе) De Jаdis sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе) De Сосhоnfuсius sur «Νе vоisе аu bаl, qui n’аimеrа lа dаnsе...» (Ρibrас) De Jаdis sur Lеs Βоuquins (Jаmmеs) De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt) De Сurаrе- sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе) De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе) De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе) De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud) De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе) De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе) De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt) De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу) De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin) De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs) De Сurаrе- sur À un sоt аbbé dе quаlité (Sаint-Ρаvin) De Τristаn Βеrnаrd sur Lеs Соnquérаnts (Hеrеdiа) De Lа Μusérаntе sur Sоnnеt dе Ρоrсеlаinе (Viviеn) De Dаmе dе flаmmе sur «Du tristе сœur vоudrаis lа flаmmе étеindrе...» (Sаint-Gеlаis) Plus de commentaires...Ce sitePrésеntаtionCоntactSоutien |