La nuit m’est courte et le jour trop me dure ;
Je fuis l’amour et le suis à la trace.
Cruel me suis et requiers votre grâce ;
Je prends plaisir au tourment que j’endure.
Je vois mon bien et mon mal je procure ;
Désir m’enflamme et crainte me rend glace ;
Je veux courir et jamais ne déplace ;
L’obscur m’est clair et la lumière obscure.
Vôtre je suis et ne puis être mien.
Mon corps est libre, et d’un étroit lien
Je sens mon cœur en prison retenu.
Obtenir veux et ne puis requérir.
Ainsi me blesse et ne me veut guérir
Ce vieil enfant, aveugle archer, et nu.
L’Olive, 1549
Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 25 juillet 2020 à 12h47
Penseur de nuit
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Un sombre esprit dans une tête dure,
De ce penseur nous n’avons nul écrit ;
Des grands auteurs sans doute il est épris,
Et ce sont là des amours qui perdurent.
Assez souvent un livre il se procure,
De ceux qu’il sait trouver à petit prix ;
Dans sa cellule il les met à l’abri,
Qui chaque jour est un peu plus obscure.
Cet érudit n’a guère d’autres biens,
Avec le monde il tisse peu de liens ;
De plus en plus lui plaît la solitude.
En son jeune âge, il aimait acquérir
De ces savoirs qui ne peuvent périr ;
Ça suffisait à sa béatitude.