Ne te fâche, Ronsard, si tu vois par la France
Fourmiller tant d’écrits : ceux qui ont mérité
D’être avoués pour bons de la postérité,
Portent leur sauf-conduit et lettre d’assurance.
Tout œuvre qui doit vivre, il a dès sa naissance
Un démon qui le guide à l’immortalité :
Mais qui n’a rencontré telle nativité,
Comme un fruit abortif, n’a jamais accroissance.
Virgile eut ce démon, et l’eut Horace encor,
Et tous ceux qui du temps de ce bon siècle d’or
Étaient tenus pour bons : les autres n’ont plus vie.
Qu’eussions-nous leurs écrits, pour voir de notre temps
Ce qui aux anciens servait de passe-temps,
Et quels étaient les vers d’un indocte Mevie.
Les Regrets, 1558
Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 16 novembre 2014 à 11h16
Poser ces quelques mots
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Tracer trois mots n’est pas le signe d’une transe ;
Juste un acte rêveur, du sommeil hérité,
Ni dans la profusion, ni dans l’austérité,
Une danse montrant plus ou moins d’assurance.
Un sonnet après l’autre en ce lieu prend naissance,
Sans prétendre jamais à l’immortalité ;
Tout le bonheur du barde, en ces nativités,
Est de mieux ressentir de ce monde l’essence.
Par Horace et Virgile un esprit rendu fort
Tente de s’aligner avec leur encre d’or,
Cela, sans vaine gloire et sans absurde envie.
Le but du jeu n’est pas de se croire important,
Mais d’égayer un peu les jours de notre temps ;
De les enluminer, d’y mettre un peu de vie.