Antoine de Bertin

Les Amours, 1780


À Eucharis


 
Que me sert aujourd’hui, dans des nuits plus heureuses,
D’avoir su te former aux combats de Vénus ?
Que me sert, en pressant tes lèvres amoureuses,
De t’avoir révélé des secrets inconnus ?
Je suis victime hélas ! de ma propre science :
Moi-même, à me trahir, j’instruisis ta beauté.
Que je dois regretter ton aimable ignorance,
Ta craintive pudeur, et ta simplicité !
Quand ton cœur autrefois couronna ma tendresse,
Tes mains savaient à peine agiter des verroux :
Je t’appris, le premier, par quelle heureuse adresse
On peut, en les tournant, échapper aux jaloux ;
Je t’appris l’art, si cher à la jeune maîtresse,
D’écarter de son lit un odieux époux ;
Malheureux ! en un mot, je t’appris comme on aime.
Ton orgueil s’enrichit de mes rares secrets.
Du suc brillant des fleurs j’embellis tes attraits,
Et remis dans tes mains le fard de Vénus même.
Nulle amante bientôt ne sut mieux effacer
Le bleuâtre sillon, que sur un cou d’albâtre
Imprime de ses dents un amant idolâtre,
Et ces doux souvenirs qu’on se plaît à tracer.
Quel prix de tant de soins a donc reçu ton maître ?
Un autre impunément jouit de mes leçons.
Le laboureur du moins recueille ses moissons,
Et goûte en paix les fruits que ses mains ont fait naître.
Un autre, un autre... Ô ciel ! conçois-tu mes soupçons ?
Conçois-tu les fureurs de mon âme offensée ?
Oui, je te vois, ingrate ; et ma triste pensée
Se figure déjà de combien de façons
Le barbare te tient, sans pudeur, embrassée.
Peux-tu me préférer ce rival orgueilleux,
Vil suivant de Plutus que l’intérêt dévore,
Et dont l’instinct grossier préfère à tes beaux yeux
Ces trésors criminels qu’aux bornes de l’aurore
A cachés vainement la prudence des Dieux ?
Oses-tu bien presser de tes mains caressantes
Ce cœur inexorable, aux travaux endurci,
Qui trois et quatre fois, sous un ciel obscurci,
N’a pas craint d’affronter les deux mers frémissantes,
Et des chiens de Scylla les clameurs gémissantes,
Et ces gouffres profonds tournoyants sous ses pas ?
Penses-tu qu’amoureux de son doux esclavage,
Désormais il renonce à quitter le rivage ?
On dit que l’inhumain, méprisant tes appas,
Déjà prêt à partir sur la foi d’une étoile,
Redemande des vents, fait déployer la voile,
Et de ton lit oiseux veut courir au trépas.
Que je plains ta douleur, amante infortunée !
Combien tu pleureras ton fol égarement !
Malgré ton crime, hélas ! de plaisirs couronnée,
Puisses-tu ne jamais connaître le tourment
D’aimer comme je t’aime, et d’être abandonnée !
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Jасоb : Lе Dépаrt

Βеrtrаnd : Μоn Βisаïеul

Ρоnсhоn : Lе Gigоt

Lа Fоntаinе : Lе Сhаrtiеr еmbоurbé

Jасоb : Silеnсе dаns lа nаturе

Βоilеаu : Sаtirе VΙΙΙ : «Dе tоus lеs аnimаuх qui s’élèvеnt dаns l’аir...»

Sigоgnе : «Се соrps défiguré, bâti d’оs еt dе nеrfs...»

Du Βеllау : «Соmtе, qui nе fis оnс соmptе dе lа grаndеur...»

Βаudеlаirе : Αu Lесtеur

Сhrеtiеn dе Τrоуеs : «Се fut аu tеmps qu’аrbrеs flеurissеnt...»

Τоulеt : «Dаns lе lit vаstе еt dévаsté...»

Riсtus : Jаsаntе dе lа Viеillе

☆ ☆ ☆ ☆

Lаfоrguе : Соmplаintе d’un аutrе dimаnсhе

Vеrlаinе : Lе Dеrniеr Dizаin

Νоël : Visiоn

Siеfеrt : Vivеrе mеmеntо

Dеshоulièrеs : Sоnnеt burlеsquе sur lа Ρhèdrе dе Rасinе

Τоulеt : «Τоi qui lаissеs pеndrе, rеptilе supеrbе...»

Siсаud : Lа Grоttе dеs Léprеuх

Соppéе : «Сhаmpêtrеs еt lоintаins quаrtiеrs, је vоus préfèrе...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сurаrе= sur Οisеаuх dе pаssаgе (Riсhеpin)

De Сurаrе- sur «Ιl n’еst riеn dе si bеаu соmmе Саlistе еst bеllе...» (Μаlhеrbе)

De Сосhоnfuсius sur Lа Соlоmbе pоignаrdéе (Lеfèvrе-Dеumiеr)

De Сосhоnfuсius sur Lе Саuсhеmаr d’un аsсètе (Rоllinаt)

De Сосhоnfuсius sur «Μаrs, vеrgоgnеuх d’аvоir dоnné tаnt d’hеur...» (Du Βеllау)

De Xi’аn sur Lе Gigоt (Ρоnсhоn)

De Jаdis sur «Lе Sоlеil l’аutrе јоur sе mit еntrе nоus dеuх...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «Qu’еst-се dе vоtrе viе ? unе bоutеillе mоllе...» (Сhаssignеt)

De Dаmе dе flаmmе sur À sоn lесtеur : «Lе vоilà сеt аutеur qui sаit pinсеr еt rirе...» (Dubоs)

De Yеаts sur Ρаul-Jеаn Τоulеt

De Ιо Kаnааn sur «Μаîtrеssе, quаnd је pеnsе аuх trаvеrsеs d’Αmоur...» (Rоnsаrd)

De Rоzès sur Μédесins (Siсаud)

De Dаmе dе flаmmе sur «Hélаs ! vоiсi lе јоur quе mоn mаîtrе оn еntеrrе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «J’аdоrе lа bаnliеuе аvес sеs сhаmps еn friсhе...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сhеmin dе sаblе (Siсаud)

De Sеzоr sur «Jе vоudrаis biеn êtrе vеnt quеlquеfоis...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De KUΝG Lоuisе sur Villе dе Frаnсе (Régniеr)

De Сurаrе- sur «Épоuvаntаblе Νuit, qui tеs сhеvеuх nоirсis...» (Dеspоrtеs)

De Xi’аn sur Jеhаn Riсtus

De Villеrеу јеаn -pаul sur Détrеssе (Dеubеl)

De ΒооmеrаngΒS sur «Βiеnhеurеuх sоit lе јоur, еt lе mоis, еt l’аnnéе...» (Μаgnу)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе