J’aime si hautement que je n’ose nommer
La divine beauté Reine de mon courage,
De peur que le vulgaire ignorant et volage
De ma témérité ne vienne me blâmer.
Si veux-je toutefois plutôt me consumer,
Aimant une Déesse en peine et en servage,
Et souffrir maint ennui, mainte mort, mainte rage,
Qu’être content de peu et bassement aimer.
Que si mon entreprise est haute et malaisée,
La victoire en sera plus belle et plus prisée.
On connaît le soldat aux exploits dangereux,
On connaît le Nocher alors que la Tourmente
Menace son vaisseau sur la mer véhémente,
Et aux braves desseins un esprit courageux.
«Comment, cousin Dragon, veux-tu être nommé?»
«Que fais-tu en ces lieux, humain plein de courage?»
«Moi? Je change d’endroit, tel un amant volage,
Je sais que, par certains, je peux être blâmé.»
«Tu n’es pas de ceux-là que j’aime consumer,
Ni de ces malchanceux que l’on met en servage ;
Et tu ne trembles point, quand les combats font rage.»
«Je n’ai pas peur des coups, mais j’ai peur d’être aimé.»
«Que veux-tu, compagnon, nos vies sont malaisées,
Et la tienne et la mienne ont beau être prisées,
Peu de gens prennent part à nos jeux dangereux ;
Tels des rats s’abritant dans les jours de tourmente,
Leur raison est nommée “prudence véhémente”.
Ne deviens pas comme eux, chevalier courageux.»