Georges de Brébeuf


De l’inconstance humaine


 
À de vagues desseins l’homme est toujours en proie,
Son instabilité ne meurt qu’avecque lui,
Et nous voyons, Seigneur, que sa plus douce joie
Dégénère souvent en son plus grand ennui.
 
Bien que vers son bonheur constamment il s’empresse,
Bien qu’en ce seul objet il mette ses plaisirs,
Comme c’est hors de vous qu’il le cherche sans cesse,
Il n’est rien ici-bas qui fixe ses désirs.
 
À cent objets divers tour à tour il s’engage,
Et de cent tour à tour dégage ses souhaits,
Ce qui fait son bonheur se change en son dommage,
Ce qui lui plait de loin le rebute de près.
 
Son âme en jouissant regrette sa poursuite,
Se reproche ses soins et son empressement
Mais hélas ! nous voyons qu’en changeant de conduite
Il change de faiblesse et d’erreur seulement.
 
Loin de se prévaloir de cette expérience,
D’un abus dans un autre il passe de son choix,
Son cœur préoccupé trahit sa conscience,
Et mille fois dépris se reprend mille fois.
 
Ses déplaisirs sont vains, ses dégoûts sont stériles,
Le charme des faux biens ne l’enchante pas moins,
Et tant de soins perdus, tant de vœux inutiles
Ne vous redonnent point ni ses vaeux ni ses soins.
 
À son propre repos ses désirs le refusent,
Il gémit dans sa chaîne, et n’ose la briser,
Il conçoit le néant des objets qui l’abusent,
Et ne peut se résoudre à se désabuser.
 
Ainsi toujours flottante et toujours incertaine,
Son âme se dissipe en cent vœux différents,
Court après les malheurs, soupire après sa peine,
Et renonce au vrai bien pour des biens apparents.
 
De là naît dans nos cœurs cette humeur inégale
Qui tourne au premier souffle et change au gré du sort,
À qui vit loin de vous l’inconstance est fatale,
Et trouve un homme faible en l’homme le plus fort.
 
Il semble autant de fois que la fortune change
Que l’homme tout entier se change en même temps,
Et des succès divers cette enchaînure étrange
Montre en un homme seul cent hommes différents.
 
Faible dans le bonheur, faible dans la disgrâce,
Tantôt il est superbe et tantôt abattu ;
Dans le calme flatteur on le voit plein d’audace,
Et dans le moindre orage on le voit sans vertu.
 
Il veut, il ne veut pas ; il accorde, il refuse ;
Il écoute la haine, il consulte l’amour ;
Il assure, il rétracte ; il condamne, il excuse :
Le même objet lui plaît et déplaît tour à tour.
 
Surtout si quelquefois, se montrant à soi-même,
Des crimes de sa vie il se trouve étonné,
L’horreur d’avoir aigri votre pouvoir suprême
Est un ennui qui meurt aussitôt qu’il est né.
 
Quel moyen, Dieu puissant, d’engager ce volage
À poursuivre un bonheur digne de l’enflammer ?
Sans doute il doit en vous chercher cet avantage,
Et pour être constant il n’a qu’à vous aimer.
 
Loin de se pardonner l’abus de vos largesses,
Son cœur fait sa vertu de toutes vos faveurs ;
Et lorsqu’en châtiments vous changez vos caresses,
Son cœur fait sa vertu de toutes vos rigueurs.
 
Il n’est rien qui l’ébranle, & rien qui le maîtrise,
Il voit d’un œil égal le calme & les dangers :
Peut-il s’enorgueillir pour des biens qu’il méprise?
Peut-il être abattu pour des maux passagers ?
 
Heureux donc mille fois celui que votre Grâce
Arrache pour jamais à tant de changements !
Qui vous chérit si fort, qui si fort vous embrasse,
Qu’il vit & qu’il expire en ces embrassements !
 
Il éprouve déjà cette paix bienheureuse,
Qui doit après la mort couronner nos souhaits !
Et consumé pour vous d’une ardeur généreuse,
Commence à vous aimer pour ne finir jamais.
 

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