Dieu vous gard gentils pastoureaux,
Qui près de ces vertes coudrettes
Faites danser sous les musettes
Vos chevrettes et vos taureaux.
 
Avez-vous point vu traverser,
Par ce trac qui aux bois se mêle,
À cheval une damoiselle
Qui ores ne fait que passer ?
 
Ils sont trois noirs chevaux à cours,
Et elle sur un blanc se hâte
Ayant un manteau d’écarlate,
Et un haut chapeau de velours.
 
Un peu d’avant s’en va dispos
Le laquais, qui court de vitesse,
Menant une levrière en laisse,
Marquéë de noir sur le dos.
 
Ne l’avez-vous donques point vu ?
L’appétit vous a fait entendre
À bûcheter parmi la cendre
Vos châtaignes dedans ce feu.
 
Ô bergers qu’heureux je vous vois !
Que le ciel vous a fait de grâce
N’ôtant des plaisirs votre face,
Et même dût passer le roi !
 
Jamais d’ennui ne vous souvient,
Ains contant fables et sornettes,
Ici avec vos bergerettes
Vous prenez le temps comme il vient.
 
Mais moi, las ! serf de l’amitié
À qui j’obéis trop fidèle,
Je cours après cette cruelle,
Qui n’a ni merci ni pitié.