Nous avions ramassé dans les champs la lavande,
L’hyanthème, la renoncule, l’ancolie
Et la colchique mauve ouverte toute grande
Dont l’odeur lui plaisait pour sa mélancolie.
 
Au portique où devait défiler son escorte
Nous avions ensuite suspendu ces guirlandes
Et nous avions jonché le sol, devant la porte,
De ces fleurs dont on lit le nom dans les légendes.
 
À grands seaux remplis d’eau bondissante et sonore
Et retroussant leur jupe en laine, les servantes
Avaient lavé le seuil en chantant dès l’aurore ;
Tout le long du perron l’attendaient ses suivantes.
 
Tandis que préludaient des musiques de fête,
Un éphèbe aux cils teints dansait des danses nues ;
Nous avions pris nos luths et couronné nos têtes,
À nos lèvres tremblaient des chants de bienvenue.
 
Des voiles nuptiaux attendaient son corps tiède
Pour s’enrouler autour, palpitants d’allégresse ;
Nos bouches avaient soif du philtre sans remède
Et nos mains étaient déjà pleines de caresses.
 
Et mon cœur était le guetteur qui dans le phare.
Conservant l’olifant appuyé sur la bouche,
Attendait pour clamer la joyeuse fanfare
Que sa nef eût surgi de l’Océan farouche.
 
Mais s’il scrute encor l’horizon par habitude,
S’il refait quelquefois de gestes, sans y croire,
Mon cœur, pour s’être trop grisé de solitude
N’attend plus sur la rive un retour illusoire.