Alice de Chambrier


Plaisir d’enfant



Sitôt que ma leçon se trouvait terminée,
J’allais au bord du lac achever ma journée
Et rire avec le flot qui bondissait joyeux ;
Et sur le sable d’or de la riante grève,
Je m’endormais parfois pour écouter en rêve
La sereine chanson du lac harmonieux.
 
Ou bien je regardais passer les longs nuages
Semblant un vol puissant de beaux cygnes sauvages
Guidés par le hasard vers un but inconnu,
Tandis qu’autour de moi les grandes sauterelles,
En étoilant le sol du reflet de leurs ailes,
Volaient avec un bruit étrange et continu.
 
Puis, lasse de songer si longtemps sans rien faire,
Je cherchais quelque jeu qui pût me satisfaire :
Sur les flots clairs et purs comme des cristaux bleus,
Je faisais naviguer une flotte tremblante
De barques en papier, et l’onde scintillante
Les portait doucement au loin vers d’autres lieux.
 
Et, souvent, sur le pont du navire fragile
J’écrivais, d’une main encor bien inhabile,
Quelques mots enfantins, et posais quelques fleurs
Sur l’arrière incliné des mignonnes nacelles,
— Pesantes cargaisons pour leurs coques si frêles —
Puis, les voyant partir, j’essuyais quelques pleurs.
 
Mes regards les suivaient sur l’ondoyante plaine :
Je pensais que bien loin, sur la terre lointaine
Où mes pauvres bateaux aborderaient un jour,
Ils trouveraient quelqu’un sur le nouveau rivage,
Qui se demanderait d’où venait ce message,
Et, qui sait ? m’enverrait une flotte à son tour !
 
Quel était l’inconnu qui ferait cette chose ?
Je ne le savais pas, mais pourtant je suppose
Que je parais son front d’un nimbe radieux :
Ce serait un seigneur, une fée adorable,
Une belle princesse assise sur le sable...
Et je sentais mon cœur tressaillir anxieux.
 
Et tous les jours suivants, pleine de confiance,
J’attendais la réponse avec impatience...
Mais, hélas ! mon bateau n’est jamais revenu,
Et je cherchais en vain, dans l’éloignement vague,
Espérant chaque jour voir enfin sur la vague,
Mes vaisseaux revenant du pays inconnu !
 
Jeux naïfs de l’enfance !... Il se peut qu’on en rie !
Mais j’aime l’infini, j’aime la rêverie
Qui mêle au terre à terre un peu de merveilleux ;
J’aime à quitter souvent l’existence réelle,
Fût-ce, comme autrefois, pour suivre une nacelle
Qui vacille et se perd sur le flot onduleux.
 

31 mars 1882.

Commentaire (s)
Déposé par Jadis le 12 juin 2020 à 17h06


Quand la tâche ordinaire est enfin terminée
Et qu’ayant arrosé la fin de la journée
Avec quelques ricards, on rentre tout joyeux        
Chez soi, dans la splendeur du couchant qui s’achève,
C’est alors que, du fond de la turne, s’élève
Un cruel hourvari fort inharmonieux.



Quoi de plus infernal que ces criailleries ?
Je regagnais mon toit un soir de beuverie :
Elle m’accueillit par des piaillements furieux.
L’avalanche bientôt se fit torrentielle ;
Nous ne tardâmes pas à casser la vaisselle :
Tout finit dans l’horreur d’un crime crapuleux.

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