François Coppée

Poèmes modernes, 1869


L’Attente


À Auguste Vacquerie


Au bout du vieux canal plein de mâts, juste en face
De l’Océan et dans la dernière maison,
Assise à sa fenêtre, et quelque temps qu’il fasse,
Elle se tient, les yeux fixés sur l’horizon.
 
Bien qu’elle ait la pâleur des éternels veuvages,
Sa robe est claire ; et bien que les soucis pesants
Aient sur ses traits flétris exercé leurs ravages,
Ses vêtements sont ceux des filles de seize ans.
 
Car depuis bien des jours, patiente vigie,
Dès l’instant où la mer bleuit dans le matin
Jusqu’à ce qu’elle soit par le couchant rougie,
Elle est assise là, regardant au lointain.
 
Chaque aurore elle voit une tardive étoile
S’éteindre, et chaque soir le soleil s’enfoncer
À cette place où doit reparaître la voile
Qu’elle vit là, jadis, pâlir et s’effacer.
 
Son cœur de fiancée, immuable et fidèle,
Attend toujours, certain de l’espoir partagé,
Loyal ; et rien en elle, aussi bien qu’autour d’elle,
Depuis dix ans qu’il est parti, rien n’a changé.
 
Les quelques doux vieillards qui lui rendent visite,
En la voyant avec ses bandeaux réguliers,
Son ruban mince où pend sa médaille bénite,
Son corsage à la vierge et ses petits souliers,
 
La croiraient une enfant ingénue et qui boude,
Si parfois ses doigts purs, ivoirins et tremblants,
Alors que sur sa main fiévreuse elle s’accoude,
Ne livraient le secret des premiers cheveux blancs.
 
Partout le souvenir de l’absent se rencontre
En mille objets fanés et déjà presque anciens :
Cette lunette en cuivre est à lui, cette montre
Est la sienne, et ces vieux instruments sont les siens.
 
Il a laissé, de peur d’encombrer sa cabine,
Ces gros livres poudreux dans leur oubli profond,
Et c’est lui qui tua d’un coup de carabine
Le monstrueux lézard qui s’étale au plafond.
 
Ces mille riens, décor naïf de la muraille,
Naguère, il les a tous apportés de très loin.
Seule, comme un témoin inclément et qui raille,
Une carte navale est pendue en un coin ;
 
Sur le tableau jaunâtre, entre ses noires tringles,
Les vents et les courants se croisent à l’envi ;
Et la succession des petites épingles
N’a pas marqué longtemps le voyage suivi.
 
Elle conduit jusqu’à la ligne tropicale
Le navire vainqueur du flux et du reflux,
Puis cesse brusquement à la dernière escale,
Celle d’où le marin, hélas ! n’écrivit plus.
 
Et ce point justement où sa trace s’arrête
Est celui qu’un burin savant fit le plus noir :
C’est l’obscur rendez-vous des flots où la tempête
Creuse un inexorable et profond entonnoir.
 
Mais elle ne voit pas le tableau redoutable
Et feuillette, l’esprit ailleurs, du bout des doigts,
Les planches d’un herbier éparses sur la table,
Fleurs pâles qu’il cueillit aux Indes autrefois.
 
Jusqu’au soir sa pensée extatique et sereine
Songe au chemin qu’il fait en mer pour revenir,
Ou parfois, évoquant des jours meilleurs, égrène
Le chapelet mystique et doux du souvenir ;
 
Et, quand sur l’Océan la nuit met son mystère,
Calme et fermant les yeux, elle rêve du chant
Des matelots joyeux d’apercevoir la terre,
Et d’un navire d’or dans le soleil couchant.
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Dеlаruе-Μаrdrus : Lа Ρоmmе

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Du Βеllау : «Αprès аvоir lоngtеmps еrré sur lе rivаgе...»

Hugо : Βооz еndоrmi

Μаllаrmé : Αmiеs

Μilоsz : Sоlitudе

Lаmаndé : Βаtifоlаgе

Lеvеу : Jаpоn — Νаgаsаki

Lеvеу : Сôtе d’Αzur — Νiсе

☆ ☆ ☆ ☆

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Rеnаrd : Lе Суgnе

Νеlligаn : Lе Viоlоn brisé

Εlskаmp : «À présеnt с’еst еnсоr Dimаnсhе...»

Vеrlаinе : Fаdаisеs

Vеrlаinе : Unе grаndе dаmе

Lесоntе dе Lislе : Sûrуâ

Rоllinаt : L’Αmаntе mасаbrе

Vеrlаinе : «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...»

Rimbаud : Αlсhimiе du vеrbе

Cоmmеntaires récеnts

De Jаdis sur Lа Ρоmmе (Dеlаruе-Μаrdrus)

De Сосhоnfuсius sur Rêvе : «Jе nе puis m’еndоrmir, је rêvе...» (Lаfоrguе)

De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd)

De Сосhоnfuсius sur «Сеuх qui sоnt аmоurеuх, lеurs аmоurs сhаntеrоnt...» (Du Βеllау)

De Сосhоnfuсius sur Du Rоi Hеnri аu соmmеnсеmеnt dе sоn règnе (Sаint-Gеlаis)

De Jаdis sur Ιl fеrа lоngtеmps сlаir се sоir... (Νоаillеs)

De Jаdis sur L’Αmоur (Νоаillеs)

De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt)

De Сurаrе- sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе)

De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)

De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt)

De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу)

De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin)

De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs)

De Τristаn Βеrnаrd sur Lеs Соnquérаnts (Hеrеdiа)

De Lа Μusérаntе sur Sоnnеt dе Ρоrсеlаinе (Viviеn)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе