La douce voix du rossignol sauvage
Qu’ois nuit et jour cointoyer et tentir
M’adoucit si le cœur et rassouage
Qu’ore ai talent que chant’ pour ébaudir.
Bien dois chanter puisqu’il vient à plaisir
Celle qui j’ai fait de cœur lige hommage
Si dois avoir grand joie en mon courage
S’elle me veut à son oés retenir.
 
Oncques vers li n’eus faux cœur ni volage
Si m’en devrait pour tant mieux advenir
Ains l’aime et sers et aour par usage
Mais ne lui os’ mon penser découvrir.
Car sa beauté me fait tant ébahir
Que je ne sais devant li nul langage
Ni regarder n’os’ son simple visage
Tant en redout’ mes yeux à départir.
 
Tant ai en li ferme assis mon courage
Qu’ailleurs ne pense, et Dieu m’en lait jouir,
Qu’oncques Tristan, qui but le beverage,
Si loyaument n’aima sans repentir.
Car j’y mets tout, cœur et corps et désir,
Force et pouvoir, ne sais si fais folage,
Encor me dout’ qu’en trèstout mon eage
Ne puisse assez li et s’amour servir.
 
Je ne dis pas que je fasse folage,
Nis si pour li me devoie mourir,
Qu’el mond’ ne truis tant belle ni si sage
Ni nulle rien n’est tant à mon désir.
Moult aim’ mes yeux qui me firent choisir ;
Lors que la vis, lui laissai en otage
Mon cœur qui puis y a fait long étage,
Ni jà nul jour ne l’en quiert départir.
 
Chanson, va-t-en pour faire mon message
Là où je n’os’ trestourner ni guenchir,
Car tant redout’ la folle gent ombrage
Qui devinent, ains qu’il puisse advenir,
Le bien d’amour. Dieu les puiss’ maleïr.
À maint amant ont fait ire et dommage ;
Mais j’ai de ce moult cruel avantage
Qu’il les m’estuet sur mon poids obéir.