Charles Van Lerberghe

Chanson d'Ève, 1904



Elle s’avance, comme je viens,
À petits pas, dans le silence,
La belle nuit bleue ; regarde-moi bien,
Elle s’avance comme je viens,
Très lasse et lente, et languissante.
— Quel ange entend la fleur qui croît,
La branche et l’ombre qu’elle balance,
Quel ange entend la nuit qui chante ? —
Regarde-moi bien : elle, c’est moi ;
Je suis la belle nuit qui danse.
 
Ainsi, très pure et dénouant
Ses voiles de rêve,
Et sa ceinture de diamant,
— Comme vos ailes, vos ailes d’argent,
Comme mes bras en pâle croissant, —
La lune se lève.
Et je l’adore, immobile, un moment,
Perdue en son rêve.
 
Je suis la fontaine du bois dormant,
Aux ailes d’humides étincelles ;
Je suis la fontaine du jardin clos :
L’amour en a brisé le sceau,
Le ciel l’attire, et vois, je suis elle,
Moi qui danse, moi qui bondis,
Je suis la fontaine du paradis.
 
Souffle ! Souffle ! vent de la nuit !
Le vent est alerte ; il courbe les herbes ;
Il court et frémit : ma danse c’est lui.
Et toi, merveilleuse Fleur blanche,
Qui, là-haut, vers la lune luis,
Toi qui parfumes le silence,
Et trembles dans la douce nuit ;
Toi, dont la tige oscille et fuit,
Fleur de lumière !
 
Ma danse s’élance de la terre,
Pour te saisir entre mes doigts.
Regarde-moi :
La fleur qui se penche et la branche, c’est moi.
 
Mon beau pommier sous la lune dort ;
Le vent dans ses feuilles heureuses murmure.
— Ô feuillage de ma chevelure,
Immense, tiède, sombre et d’or,
Où le vent danse ;
D’où naissent comme des fruits d’or,
Mes seins aigus et mes lèvres mûres ! —
Ah, quel arôme il exhale! Je suis
Le beau pommier du Paradis.
 
Approche, approche, ma bien-aîmée.
Je danse à tes chants, dans l’ombre embaumée
Du beau pommier que Dieu défend ;
Je siffle et vais, je tourne et rôde ;
Ma robe est d’or et d’émeraude,
Et je m’allonge et je te tends,
Entre mes lèvres et mes dents,
Cette pomme de soleil chaude.
Je suis le beau serpent dansant.
 
Colombe ! Colombe ! Colombe enchantée,
Qui te balances autour de moi,
Pourquoi as-tu peur, colombe blanche ?
Écoute ma voix, colombe, ma sœur.
Entre les branches descends dans ma danse,
Descends sur mon cœur, colombe d’amour !
 
Et je danse et je chante, et danse encore.
Je danse nue, éblouie et superbe,
Comme un serpent dans les hautes herbes.
Je danse et rampe dans les airs,
Comme une flamme de l’enfer.
 
Je danse ailée, frémissante et sonore,
Au fond du tourbillon vivant,
Du tourbillon qui me dévore,
Du tourbillon où je descends.
Je danse jusqu’à ce que j’en sois lasse,
L’âme enivrée et chancelante
Du vin de la danse,
Et du vin de mon sang.
 

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