Antoinette Deshoulières


Ode à Climène


 
Ne pourra-t-on vous contraindre
À quitter de tristes lieux ?
Faudra-t-il toujours se plaindre
De ne point voir vos beaux yeux ?
 
Encor quand les fleurs nouvelles
Naissent partout sous les pas,
Quand toutes les nuits sont belles,
La campagne a des appas.
 
Mais quand l’hiver la désole,
Qu’on ne peut se promener,
Climène, il faut être folle
Pour ne pas l’abandonner.
 
De ce qui vous y peut plaire
Daignez nous entretenir :
Je ne vois qu’une chimère
Qui vous y peut retenir.
 
Oui, j’ai deviné sans doute
D’où vient un si long séjour :
Votre jeune cœur redoute
Un mal qu’on appelle amour.
 
Vous croyez qu’on ne le gagne
Qu’au milieu des jeux, des ris :
Il se prend à la campagne,
Comme il se prend à Paris.
 
On fait bien quand on évite
Une tendre passion ;
Mais, hélas ! en est-on quitte
En fuyant l’occasion ?
 
Non, c’est en vain qu’on s’assure
Contre ce qu’on peut prévoir :
Une bizarre aventure
Met un cœur sous son pouvoir.
 
Cette solitude affreuse
Où vous passez vos beaux jours
Est souvent plus dangereuse
Que les plus superbes cours.
 
Votre désert est sauvage :
Dans un plus sauvage encore
Angélique fière et sage
Rencontra le beau Médor.
 
Quittez donc des champs stériles,
Pour vous garder impuissants :
Venez de feux inutiles
Faire brûler mille amants.
 
Ne redoutez point le piège
Qu’ils tendront à votre cœur :
De tous les forts qu’on assiège
On n’est pas toujours vainqueur.
 
La sagesse la plus frêle
Avec le plus beau berger,
Si le destin ne s’en mêle,
Ne court pas un grand danger.
 
Vous ne voudrez pas en croire
Tout ce qu’on vous en dira ;
Mais écoutez une histoire
Qui vous persuadera.
 
J’allais cacher ma tristesse
Dans ces aimables déserts,
Où pour sa tendre maîtresse
Desportes faisait des vers.
 
Je m’étais assise à peine
Dans le plus sombre du bois,
Quand j’ouïs du beau Philène
Et les soupirs et la voix.
 
Seul aux pieds d’une bergère
Qui riait de son souci,
Cet amant tendre et sincère
Tout en pleurs parlait ainsi :
 
«Avec quelle indifférence
Passez-vous vos plus beaux jours !
Iris, dans cette indolence
Demeurerez-vous toujours ?
 
Non, vous deviendrez sensible :
Ce cœur, ce superbe cœur,
À l’amour inaccessible
Sentira sa vive ardeur.
 
Quelqu’un est né pour vous plaire ;
Rien ne vous en sauvera :
Ce que je ne pourrai faire,
Un plus heureux le fera.
 
Tout aime dans la nature :
Dans le barbare séjour
Où règne l’âpre froidure
On sent les feux de l’amour.
 
Le temps, d’une aile légère,
Emportera loin de vous
Cette beauté passagère,
Dont les charmes sont si doux.
 
Lors, d’une vaine sagesse
Reconnaissant les abus,
Vous prendrez de la tendresse,
Et vous n’en donnerez plus.
 
En tout temps l’amour nous dompte ;
On règle en vain ses désirs :
Vous aurez, à votre honte,
Ses peines sans ses plaisirs.
 
Craignez sa juste colère,
Et, par un doux repentir,
Épargnez-vous, ma bergère,
Les maux qu’il me fait sentir.
 
Aimez un amant fidèle,
Quoi qu’en dise la raison :
Jeune Iris, tant qu’on est belle,
Elle n’est pas de saison.
 
Contre un amant qui sait plaire
Elle perd toujours son temps :
Croyez-moi, faites la taire
Encore quinze ou vingt ans.
 
Mettez votre cœur en proie
Aux amoureuses langueurs ;
Il n’est de solide joie
Que dans l’union des cœurs. »
 
Ainsi, d’un air agréable,
Philène, ce beau berger,
Aux belles si redoutables,
La pressait de s’engager.
 
Les oiseaux, le doux zéphyr,
Et les échos d’alentour,
Comme lui semblait lui dire :
Rien n’est si doux que l’amour.
 
Mais le cœur de l’inhumaine
Se taisait obstinément.
Quand le cœur se tait, Climène,
Tout parle inutilement.
 

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