Paul Fort
On les r’trouve en raccourci, dans nos p’tits amours d’un jour, toutes les joies, tous les soucis des amours qui durent toujours !
C’est là l’sort de la marine et de toutes nos p’tites chéries. On accoste. Vite ! un bec pour nos baisers, l’corps avec.
Et les joies et les bouderies, les fâcheries, les bons retours, il y a tout, en raccourci, des grands amours dans nos p’tits.
Tout c’ qu’on fait dans un seul jour ! et comme on allonge le temps ! Plus d’trois fois, dans un seul jour, content, pas content, content.
On a ri, on s’est baisés sur les neunœils, les nénés, dans les ch’veux à pleins bécots, pondus comme des œufs tout chauds.
On s’en est allé, l’matin, souffler les chandelles des prés. Ça fatigue une catin, ça n’y est pas habituée.
On s’est r’levé des bleuets, les joues rouges et l’cœur en joie, et l’on est r’tourné chez soi, après un si grand bonheur.
Peu à peu, le cœur en peine, on s’en est r’tourné chez elle, en effeuillant sur les blés une grande marguerite jaune.
La mer !... ah ! elle est là-bas, qui respire sur les épis, et mon bateau, que j’y vois, se balance sur les épis...
On arrive. — Avant d’entrer, on se r’garde, les bras ronds. Ça m’fait clic au fond d’mon fond : elle sort sa petite clef.
Le jour tombe, on reste là. On s’met au lit, c’est meilleur. On se r’lève pour faire pipi dans le joli pot à fleurs.
On allume la chandelle, on s’ montre dans toute sa beauté ! Vite, on se r’couche, on se r’lève, on s’étire, — c’est l’été.
Y a dans la chambre une odeur d’amour tendre et de goudron. Ça vous met la joie au cœur, la peine aussi, et c’est bon.
Et l’on garde la chandelle pour mieux s’voir et s’admirer. On se jure d’être fidèles. On s’écoute soupirer.
Et, tout à coup, v’là qu’on pleure, sans savoir pourquoi, mon Dieu ! et qu’on veut s’tuer tous les deux, et qu’on s’ravise, cœur à cœur.
Alors, on s’dit toute sa vie. Ça vous intéresse bien peu. Mais ça ne fait rien, on s’la dit. Et l’on croit qu’on s’comprend mieux.
On s’découvre des qualités, on s’connaît, on s’plaint, et puis, demain comme il faut s’quitter, on n’dit plus rien d’toute la nuit.
On n’est pas là pour causer... Mais on pense, même dans l’amour. On pense que d’main il fera jour, et qu’c’est une calamité.
C’est là l’sort de la marine, et de toutes nos p’tites chéries. On accoste. Mais on devine qu’ ça n’ sera pas le paradis.
On aura beau s’dépêcher, faire, bon Dieu ! la pige au temps, et l’bourrer de tous nos péchés, ça n’sera pas ça ; et pourtant
Toutes les joies, tous les soucis des amours qui durent toujours, on les r’trouve en raccourci dans nos p’tits amours d’un jour.
Mais la nuit se continue. Elle ronfle, la petite poupée, plus doucement, sur son bras nu, qu’une souris dans du blé.
Alors, quoi ! faut-y pas s’ plaindre, ah ! faut-y pas bougonner, de voir la chandelle s’éteindre en fondant sur la ch’minée.
On r’garde au mur quelque chose, qui grimpe jusqu’au plafond... Ah saleté !... c’est gris, c’est rose... V’là l’jour rose comme un cochon !
On pleure contre l’oreiller. Y en avait qu’un pour nous deux. Ça suffit !... on s’lève... adieu... On part sans la réveiller.
Mais c’qui est l’plus triste, au fond, c’est que, pour nous qui naviguent, les regrets sont aussi longs, des p’tits amours que des grands.
Et l’on s’demande, malheureux, quand on voulait s’tuer tous deux,
rester là, s’éterniser, pourquoi qu’on s’est ravisé ?
L’Amour marin, 1900 |
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