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1833
Une pitié me prend quand à part moi je songe
À cette ambition terrible qui nous ronge
De faire parmi tous reluire notre nom,
De ne voir s’élever par-dessus nous personne,
D’avoir vivant encor le nimbe et la couronne,
D’être salué grand comme Gœthe ou Byron.
Les peintres jusqu’au soir courbés sur leurs palettes,
Les Amphions frappant leurs claviers, les poètes,
Tous les blêmes rêveurs, tous les croyants de l’art,
Dans ces noms éclatants et saints sur tous les autres,
Prennent un nom pour Dieu, dont ils se font apôtres,
Un de vos noms, Shakspear, Michel-Ange ou Mozart !
C’est là le grand souci qui tous, tant que nous sommes,
Dans cet âge mauvais, austères jeunes hommes,
Nous fait le teint livide et nous cave les yeux ;
La passion du beau nous tient et nous tourmente,
La sève sans issue au fond de nous fermente,
Et de ceux d’aujourd’hui bien peu deviendront vieux.
De ces frêles enfants, la terreur de leur mère,
Qui s’épuisent en vain à suivre leur chimère,
Combien déjà sont morts ! combien encor mourront !
Combien au beau moment, gloire, ô froide statue,
Gloire que nous aimons et dont l’amour nous tue,
Pâles, sur ton épaule ont incliné le front !
Ah ! chercher sans trouver et suer sur un livre,
Travailler, oublier d’être heureux et de vivre ;
Ne pas avoir une heure à dormir au soleil,
À courir dans les bois sans arrière-pensée ;
Gémir d’une minute au plaisir dépensée,
Et faner dans sa fleur son beau printemps vermeil ;
Jeter son âme au vent et semer sans qu’on sache
Si le grain sortira du sillon qui le cache,
Et si jamais l’été dorera le blé vert ;
Faire comme ces vieux qui vont plantant des arbres,
Entassant des trésors et rassemblant des marbres,
Sans songer qu’un tombeau sous leurs pieds est ouvert !
Et pourtant chacun n’a que sa vie en ce monde,
Et pourtant du cercueil la nuit est bien profonde ;
Ni lune, ni soleil : c’est un sommeil bien long ;
Le lit est dur et froid ; les larmes que l’on verse,
La terre les boit vite, et pas une ne perce,
Pour arriver à vous, le suaire et le plomb.
Dieu nous comble de biens ; notre mère Nature
Rit amoureusement à chaque créature ;
Le spectacle du ciel est admirable à voir ;
La nuit a des splendeurs qui n’ont pas de pareilles ;
Des vents tout parfumés nous chantent aux oreilles :
« Vivre est doux, et pour vivre il ne faut que vouloir. »
Pourquoi ne vouloir pas ? Pourquoi ? pour que l’on dise,
Quand vous passez : « C’est lui ! » Pour que dans une église,
Saint-Denis, Westminster, sous un pavé noirci,
On vous couche à côté de rois que le ver mange,
N’ayant pour vous pleurer qu’une figure d’ange
Et cette inscription : « Un grand homme est ici. »
En vérité, c’est tout. — Ô néant ! ô folie !
Vouloir qu’on se souvienne alors que tout oublie,
Vouloir l’éternité lorsque l’on n’a qu’un jour !
Rêver, chercher le beau, fonder une mémoire,
Et forger un par un les rayons de sa gloire,
Comme si tout cela valait un mot d’amour !
La Comédie de la Mort, 1838
Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 19 octobre 2013 à 10h56
Le soleil du volcan trace des rayons noirs,
La pie en sautillant lance un cri de menace.
Un nuage pluvieux près de l’horizon passe,
C’est le déclin du jour, pas encore le soir.
Le chat reste au jardin mais ne veut pas s’asseoir,
Il ne poursuivra pas la jacassante agasse.
La rose en fin d’été est languissante et lasse,
Ses pétales au sol ont commencé à choir.
Je lève mon godet, je trinque au soleil sombre,
Car dans fort peu d’instants il dormira dans l’ombre,
Et je commencerai mes travaux de la nuit.
Travaux sans grande ampleur, ma vie n’en a aucune,
Au destin sur ce point je n’ai nulle rancune,
Vivre modestement, c’est beaucoup moins d’ennuis. [Lien vers ce commentaire]
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