Théophile Gautier

La Comédie de la Mort, 1838


La Bonne Journée


 
Ce jour, je l’ai passé ployé sur mon pupitre,
Sans jeter une fois l’œil à travers la vitre.
Par Apollo ! cent vers ! je devrais être las ;
On le serait à moins ; mais je ne le suis pas.
Je ne sais quelle joie intime et souveraine
Me fait le regard vif et la face sereine ;
Comme après la rosée une petite fleur,
Mon front se lève en haut avec moins de pâleur ;
Un sourire d’orgueil sur mes lèvres rayonne,
Et mon souffle pressé plus fortement résonne.
J’ai rempli mon devoir comme un brave ouvrier.
Rien ne m’a pu distraire ; en vain mon lévrier,
Entre mes deux genoux posant sa longue tête,
Semblait me dire : « En chasse ! » en vain d’un air de fête
Le ciel tout bleu dardait, par le coin du carreau,
Un filet de soleil jusque sur mon bureau ;
Près de ma pipe, en vain, ma joyeuse bouteille
M’étalait son gros ventre et souriait vermeille ;
En vain ma bien-aimée, avec son beau sein nu,
Se penchait en riant de son rire ingénu,
Sur mon fauteuil gothique, et dans ma chevelure
Répandait les parfums de son haleine pure.
Sourd comme saint Antoine à la tentation,
J’ai poursuivi mon œuvre avec religion,
L’œuvre de mon amour qui, mort, me fera vivre ;
Et ma journée ajoute un feuillet à mon livre.
 

Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 6 mai 2013 à 17h10



Théophile Gautier s’endort sur son pupitre
Et rêve qu’il s’envole au travers d’une vitre.
Il vole au bout du monde et n’est même pas las ;
Il tombe en un pays qu’il ne reconnaît pas.

Il est pris pour mari par la charmante reine,
Il est acclamé par une foule sereine ;
Il va dans un grand lit tout recouvert de fleurs,
De la reine étrennant la timide pâleur.

Un sourire pensif sur ses lèvres rayonne,
La cloche du palais bien fortement résonne,
On propose du vin à tous les ouvriers ;
On organise des courses de lévriers,

La couronne anoblit du nouveau roi la tête,
Le pays tout entier adopte un air de fête ;
Mais le roi, s’envolant au travers d’un carreau,
Rêve à présent qu’il est employé de bureau.

Avec un vieux collègue, il vide une bouteille ;
Ils ont tous deux la face un petit peu vermeille,
Et mettent leur pensée, un peu trop fort, à nu,
En éclatant d’un rire un peu trop ingénu.

La reine les rejoint, sa belle chevelure
Vole au vent de la course : elle s’affirme pure
Du désir de vengeance, ou de sa tentation ;
Mais elle ne veut point entrer en religion.

Puis Gautier se réveille, et ne pouvant plus vivre
Cette belle aventure, il la met dans un livre.

[Lien vers ce commentaire]

Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе

Βаudеlаirе : Lеs Ρlаintеs d’un Ιсаrе

Βаnvillе : À Αdоlphе Gаïffе

Du Ρеrrоn : «Αu bоrd tristеmеnt dоuх dеs еаuх...»

Βlаisе Сеndrаrs

Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе

Νuуsеmеnt : «Lе vаutоur аffаmé qui du viеil Ρrоméthéе...»

Lа Сеppèdе : «Сеpеndаnt lе sоlеil fоurnissаnt sа јоurnéе...»

Τоulеt : «Dаns lе silеnсiеuх аutоmnе...»

Μussеt : À Αlf. Τ. : «Qu’il еst dоuх d’êtrе аu mоndе, еt quеl biеn quе lа viе !...»

Vеrlаinе : «Lа mеr еst plus bеllе...»

Jасоb : Lе Dépаrt

☆ ☆ ☆ ☆

Lаfоrguе : Lе Sаnglоt univеrsеl

Сrоs : Ρituitе

Jаmmеs : Lа sаllе à mаngеr

Régniеr : Lа Lunе јаunе

Rоdеnbасh : «Αllеluiа ! Сlосhеs dе Ρâquеs !...»

Lаfоrguе : Соmplаintе d’un аutrе dimаnсhе

Vеrlаinе : Lе Dеrniеr Dizаin

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur L’Αbrеuvоir (Αutrаn)

De Сосhоnfuсius sur Lе Grаnd Αrbrе (Μérаt)

De Сосhоnfuсius sur «Jе vоudrаis êtrе аinsi соmmе un Ρеnthéе...» (Gоdаrd)

De Dаmе dе flаmmе sur Vеrlаinе

De Сurаrе- sur Sur l’Hélènе dе Gustаvе Μоrеаu (Lаfоrguе)

De Dаmе dе flаmmе sur Οisеаuх dе pаssаgе (Riсhеpin)

De Сurаrе- sur «Ιl n’еst riеn dе si bеаu соmmе Саlistе еst bеllе...» (Μаlhеrbе)

De Xi’аn sur Lе Gigоt (Ρоnсhоn)

De Jаdis sur «Lе Sоlеil l’аutrе јоur sе mit еntrе nоus dеuх...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «Qu’еst-се dе vоtrе viе ? unе bоutеillе mоllе...» (Сhаssignеt)

De Dаmе dе flаmmе sur À sоn lесtеur : «Lе vоilà сеt аutеur qui sаit pinсеr еt rirе...» (Dubоs)

De Yеаts sur Ρаul-Jеаn Τоulеt

De Ιо Kаnааn sur «Μаîtrеssе, quаnd је pеnsе аuх trаvеrsеs d’Αmоur...» (Rоnsаrd)

De Rоzès sur Μédесins (Siсаud)

De Dаmе dе flаmmе sur «Hélаs ! vоiсi lе јоur quе mоn mаîtrе оn еntеrrе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «J’аdоrе lа bаnliеuе аvес sеs сhаmps еn friсhе...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сhеmin dе sаblе (Siсаud)

De Sеzоr sur «Jе vоudrаis biеn êtrе vеnt quеlquеfоis...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De KUΝG Lоuisе sur Villе dе Frаnсе (Régniеr)

De Xi’аn sur Jеhаn Riсtus

De Xi’аn sur «Épоuvаntаblе Νuit, qui tеs сhеvеuх nоirсis...» (Dеspоrtеs)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе