Claude Hopil

Les Doux Vols de l’Âme Amoureuse de Jésus, 1629


Cantique de l’indifférence


 
Mon âme que veux-tu ? je te vois bien contente,
N’attends-tu point ici quelque don du Très-haut ?
Le content ne veut rien, je suis indifférente,
Je ne sais que je veux. Dieu sait ce qu’il me faut.
 
Je n’aime pas la terre, et le Ciel même et l’Ange
Me sont indifférents en tout temps et tout lieu,
Je ne veux rien du tout, sans Dieu tout m’est étrange,
Et ne veux désirer Dieu même que pour Dieu.
 
Qui désire il n’a pas, pourquoi faut-il encore
Souhaiter ce qu’on tient (au moins déjà par foi) ?
Je renonce à moi-même, et celui que j’adore
Je ne désire pas, car il est tout à moi.
 
Je désire la grâce en qui l’âme ravie
Demeure indifférente en son éternel sort :
Je ne veux, s’il ne veut, ni la mort ni la vie
Et je veux, comme il veut, ou la vie ou la mort.
 
Plus grand ni plus petit, je ne voudrais pas être,
Plus sage, plus savant, avoir un autre esprit,
Je voudrais être saint mais non pas le paraître,
N’étant rien en moi-même et tout en Jésus-Christ.
 
Je ne voudrais changer l’être de ma nature,
Par sa grâce en son temps mon Dieu la changera,
En moi je ne suis rien que vent et pourriture,
En mon Dieu je serai tout ce qu’il me fera.
 
Demandant, que veux-tu de ce monde muable ?
Rien du tout, pour mon âme il n’a point de beauté,
Je veux Dieu simplement. Voici chose admirable :
Car je veux seulement de Dieu la volonté.
 
Je me perds en parlant de cette indifférence.
Je ne sais que je veux, que je pense et je dis,
Je ne veux seulement du Paradis l’essence
Ou ne veux le vouloir qu’au Dieu du Paradis.
 
Si son amour régnait dans la chartre infernale
Comme elle règne au Ciel (beau séjour des bénis)
L’enfer et Paradis me serait chose égale ;
La Volonté divine est mon vrai Paradis.
 
Je ne sais que je veux, que j’attends et j’espère,
Je ne veux rien du tout, j’attends, j’espère tout,
Et si je n’attends rien ; l’état plus salutaire
Est d’être mort au monde, et n’avoir aucun goût.
 
Je n’aime plus les Cieux, les Astres, les Archanges,
Les hommes ni les Saints qu’au principe parfait :
Tous objets (hormis Dieu) sont à mon âme étranges,
Je suis entre les mains de celui qui m’a fait.
 
Je n’aime plus mon Dieu ; n’est-ce point un blasphème ?
Non, je ne l’aime plus ainsi que je l’aimais
De cet amour sensible, où me cherchant moi-même
En feignant de l’aimer, m’aimant je le fuyais.
 
Je ne veux le servir pour crainte des supplices,
Je ne veux le chérir pour gagner Paradis,
L’aimer d’un pur amour sont toutes mes délices.
Je me plais d’en parler, je ne sais que je dis !
 
Je le veux donc aimer pour sa bonté suprême,
Pour ce qu’il est mon Dieu, pour ce qu’il m’aime tant
Ou je le veux aimer puisqu’il veut que je l’aime,
Mourant en cet état, que je serais content !
 
Vivre sur le Thabor, mourir sur le Calvaire,
Avoir douleur ou joie en cet instable lieu,
Qu’importe tout cela ? Le seul point salutaire
Est d’être indifférent et laisser faire Dieu.
 

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