Hugo

Les Chansons des rues et des bois, 1865


En sortant du collège


 
 

PREMIERE LETTRE


 
Puisque nous avons seize ans,
Vivons, mon vieux camarade,
Et cessons d’être innocents ;
Car c’est là le premier grade.
 
Vivre c’est aimer. Apprends
Que, dans l’ombre où nos cœurs rêvent,
J’ai vu deux yeux bleus, si grands
Que tous les astres s’y lèvent.
 
Connais-tu tous ces bonheurs ?
Faire des songes féroces,
Envier les grands seigneurs
Qui roulent dans des carrosses,
 
Avoir la fièvre, enrager,
Être un cœur saignant qui s’ouvre,
Souhaiter d’être un berger
Ayant pour cahute un Louvre,
 
Sentir, en mangeant son pain
Comme en ruminant son rêve,
L’amertume du pépin
De la sombre pomme d’Ève ;
 
Être amoureux, être fou,
Être un ange égal aux oies,
Être un forçat sous l’écrou ;
Eh bien, j’ai toutes ces joies !
 
Cet être mystérieux
Qu’on appelle une grisette
M’est tombé du haut des cieux.
Je souffre. J’ai la recette.
 
Je sais l’art d’aimer ; j’y suis
Habile et fort au point d’être
Stupide, et toutes les nuits
Accoudé sur ma fenêtre.
 
 
 

DEUXIÈME LETTRE


 
Elle habite en soupirant
La mansarde mitoyenne.
Parfois sa porte, en s’ouvrant,
Pousse le coude à la mienne.
 
Elle est fière ; parlons bas.
C’est une forme azurée
Qui, pour ravauder des bas,
Arrive de l’empyrée.
 
J’y songe quand le jour naît,
J’y rêve quand le jour baisse.
Change en casque son bonnet,
Tu croirais voir la Sagesse.
 
Sa cuirasse est un madras ;
Elle sort avec la ruse
D’avoir une vieille au bras
Qui lui tient lieu de Méduse.
 
On est sens dessus dessous
Rien qu’à voir la mine altière
Dont elle prend pour deux sous
De persil chez la fruitière.
 
Son beau regard transparent
Est grave sans airs moroses.
On se la figure errant
Dans un bois de lauriers-roses.
 
Pourtant, comme nous voyons
Que parfois de ces Palmyres
Il peut tomber des rayons,
Des baisers et des sourires ;
 
Un drôle, un étudiant,
Rôde sous ces chastes voiles ;
Je hais fort ce mendiant
Qui tend la main aux étoiles.
 
Je ne sors plus de mon trou.
L’autre jour, étant en verve,
Elle m’appela : Hibou.
Je lui répondis : Minerve.
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Ρérin : Αubе

Αpоllinаirе : Lе Drоmаdаirе

Соignаrd : «Οbsсurе nuit, lаissе tоn nоir mаntеаu...»

Lаfоrguе : Βоufféе dе printеmps

Τоulеt : «Si vivrе еst un dеvоir...»

Ρéguу : Ρrésеntаtiоn dе lа Βеаuсе à Νоtrе-Dаmе dе Сhаrtrеs

☆ ☆ ☆ ☆

Vеrlаinе : L’Αubеrgе

Vеrlаinе : À Hоrаtiо

Соrnеillе : Sоnnеt : «Dеuх sоnnеts pаrtаgеnt lа villе...»

Fоurеst : Sаrdinеs à l’huilе

Sullу Ρrudhоmmе : Lеs Сhаînеs

Ρоnсhоn : Lе Gigоt

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur «Αfin qu’à tоut јаmаis dе sièсlе еn sièсlе vivе...» (Rоnsаrd)

De Сосhоnfuсius sur Ρоlуphèmе еn furiе (Τristаn L'Hеrmitе)

De Сосhоnfuсius sur «Сеttе sоurсе dе mоrt...» (Gоmbаud)

De Ιоhаnnеs sur Ρrièrе dе соnfidеnсе (Ρéguу)

De Сurаrе- sur Lеs Fеuillеs mоrtеs (Gоurmоnt)

De Lilith sur Vеrlаinе

De Μоntеrrоsо sur Lа Μоuсhе (Αpоllinаirе)

De Jаdis sur Саrоlо Quintо impеrаntе (Hеrеdiа)

De Сurаrе- sur Sоnnеt : «Un livrе n’аurаit pаs suffi...» (Ρrivаt d'Αnglеmоnt)

De Τrуphоn Τоurnеsоl sur À unе mуstériеusе (Rоllinаt)

De Сurаrе- sur L’Αngе (Lоuÿs)

De Αlbаtrосе sur «Dоuсе plаgе оù nаquit mоn âmе...» (Τоulеt)

De Gеf sur À Μ. Α. Τ. : «Αinsi, mоn сhеr аmi, vоus аllеz dоnс pаrtir !...» (Μussеt)

De Gеf sur Villеs : «Се sоnt dеs villеs !...» (Rimbаud)

De Jаdis sur Τаblеаu (Сrоs)

De Βibоsаurе sur À Αlf. Τ. : «Qu’il еst dоuх d’êtrе аu mоndе, еt quеl biеn quе lа viе !...» (Μussеt)

De Βоurg sur «Lоngtеmps si ј’аi dеmеuré sеul...» (Τоulеt)

De Jаdis sur Épigrаmmе d’аmоur sur sоn nоm (Αubеspinе)

De Ιsis Μusе sur Lа grоssе dаmе сhаntе... (Ρеllеrin)

De Dаmе dе flаmmе sur Сhаnsоn dе lа mélаnсоliе (Fоrt)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе