Hugo

Odes et Ballades


La Grand-Mère


 

                To die — to sleep.
SHAKSPEARE.


« Dors-tu ?... réveille-toi, mère de notre mère !
» D’ordinaire en dormant ta bouche remuait ;
» Car ton sommeil souvent ressemble à ta prière.
» Mais, ce soir, on dirait la madone de pierre ;
» Ta lèvre est immobile et ton souffle est muet.
 
» Pourquoi courber ton front plus bas que de coutume ?
» Quel mal avons-nous fait, pour ne plus nous chérir ?
» Vois, la lampe pâlit, l’âtre scintille et fume ;
» Si tu ne parles pas, le feu qui se consume,
» Et la lampe, et nous deux, nous allons tous mourir !
 
» Tu nous trouveras morts près de la lampe éteinte.
» Alors, que diras-tu quand tu t’éveilleras ?
» Tes enfants à leur tour seront sourds à ta plainte.
» Pour nous rendre la vie, en invoquant ta sainte,
» Il faudra bien longtemps nous serrer dans tes bras !
 
» Donne-nous donc tes mains dans nos mains réchauffées,
» Chante-nous quelque chant de pauvre troubadour,
» Dis-nous ces chevaliers qui, servis par les fées,
» Pour bouquets à leur dame apportaient des trophées,
» Et dont le cri de guerre était un nom d’amour.
 
» Dis-nous quel divin signe est funeste aux fantômes ;
» Quel ermite dans l’air vit Lucifer volant ;
» Quel rubis étincelle au front du roi des Gnômes ;
» Et si le noir démon craint plus, dans ses royaumes,
» Les psaumes de Turpin que le fer de Roland.
 
» Ou montre-nous ta Bible, et les belles images,
» Le ciel d’or, les saints bleus, les saintes à genoux,
» L’enfant-Jésus, la crèche, et le bœuf, et les mages ;
» Fais-nous lire du doigt, dans le milieu des pages,
» Un peu de ce latin, qui parle à Dieu de nous.
 
» Mère !... — Hélas ! par degrés s’affaisse la lumière,
» L’ombre joyeuse danse autour du noir foyer,
» Les esprits vont peut-être entrer dans la chaumière...
» Oh ! sors de ton sommeil, interromps ta prière ;
» Toi qui nous rassurais, veux-tu nous effrayer ?
 
» Dieu ! que tes bras sont froids ! rouvre les yeux... Naguère
» Tu nous parlais d’un monde, où nous mènent nos pas,
» Et de ciel, et de tombe, et de vie éphémère,
» Tu parlais de la mort... dis-nous, ô notre mère !
» Qu’est-ce donc que la mort ? — Tu ne nous réponds pas ! »
 
Leur gémissante voix longtemps se plaignit seule.
La jeune aube parut sans réveiller l’aïeule.
La cloche frappa l’air de ses funèbres coups ;
Et, le soir, un passant, par la porte entrouverte,
Vit, devant le saint livre et la couche déserte,
Les deux petits enfants qui priaient à genoux.
 

1823.

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Lеvеу : Jаpоn — Νаgаsаki

Lеvеу : Сôtе d’Αzur — Νiсе

Hugо

Ρéguу : L’Αvеuglе

Rоllinаt : Rоndеаu du guillоtiné

Αuvrау : À unе lаidе аmоurеusе dе l’аutеur

Gоudеzki : Sоnnеt d’Αrt Vеrt

Sullу Ρrudhоmmе : Lеs Yеuх

Rimbаud : Lеs Εffаrés

Αrnаult : Lа Fеuillе

☆ ☆ ☆ ☆

Rоllinаt : L’Αmаntе mасаbrе

Vеrlаinе : «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...»

Rimbаud : Αlсhimiе du vеrbе

Hуspа : Lеs Éléphаnts

Lоrrаin : Débutаnt

Lе Fèvrе dе Lа Βоdеriе : «Diеu qui еst Un еn Τrоis, pаr pоids, nоmbrе, еt mеsurе...»

Hеrеdiа : Lе Ρrisоnniеr

Sаint-Αmаnt : «Αssis sur un fаgоt, unе pipе à lа mаin...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur À lа mémоirе d’unе сhаttе nаinе quе ј’аvаis (Lаfоrguе)

De Jаdis sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Сосhоnfuсius sur «Νе vоisе аu bаl, qui n’аimеrа lа dаnsе...» (Ρibrас)

De Jаdis sur Lеs Βоuquins (Jаmmеs)

De Сосhоnfuсius sur Stupеur (Lаfоrguе)

De Jаdis sur «Diеu qui еst Un еn Τrоis, pаr pоids, nоmbrе, еt mеsurе...» (Lе Fèvrе dе Lа Βоdеriе)

De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt)

De Сurаrе- sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе)

De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)

De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt)

De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу)

De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin)

De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs)

De Сurаrе- sur À un sоt аbbé dе quаlité (Sаint-Ρаvin)

De Τristаn Βеrnаrd sur Lеs Соnquérаnts (Hеrеdiа)

De Lа Μusérаntе sur Sоnnеt dе Ρоrсеlаinе (Viviеn)

De Dаmе dе flаmmе sur «Du tristе сœur vоudrаis lа flаmmе étеindrе...» (Sаint-Gеlаis)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе