Hugo


Les Djinns


 
Murs, ville
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise
Tout dort.
 
Dans la plaine
Naît un bruit.
C’est l’haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu’une flamme
Toujours suit.
 
La voix plus haute
Semble un grelot.
D’un nain qui saute
C’est le galop.
Il fuit, s’élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d’un flot.
 
La rumeur approche,
L’écho la redit.
C’est comme la cloche
D’un couvent maudit,
Comme un bruit de foule
Qui tonne et qui roule
Et tantôt s’écroule
Et tantôt grandit.
 
Dieu ! La voix sépulcrale
Des Djinns !... — Quel bruit ils font !
Fuyons sous la spirale
De l’escalier profond !
Déjà s’éteint ma lampe,
Et l’ombre de la rampe..
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu’au plafond.
 
C’est l’essaim des Djinns qui passe,
Et tourbillonne en sifflant.
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau lourd et rapide,
Volant dans l’espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.
 
Ils sont tout près ! — Tenons fermée
Cette salle ou nous les narguons
Quel bruit dehors ! Hideuse armée
De vampires et de dragons !
La poutre du toit descellée
Ploie ainsi qu’une herbe mouillée,
Et la vieille porte rouillée,
Tremble, à déraciner ses gonds.
 
Cris de l’enfer ! voix qui hurle et qui pleure !
L’horrible essaim, poussé par l’aquilon,
Sans doute, o ciel ! s’abat sur ma demeure.
Le mur fléchit sous le noir bataillon.
La maison crie et chancelle penchée,
Et l’on dirait que, du sol arrachée,
Ainsi qu’il chasse une feuille séchée,
Le vent la roule avec leur tourbillon !
 
Prophète ! Si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J’irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs !
Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d’étincelles,
Et qu’en vain l’ongle de leurs ailes
Grince et crie à ces vitraux noirs !
 
Ils sont passés ! — Leur cohorte
S’envole et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.
L’air est plein d’un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés !
 
De leurs ailes lointaines
Le battement décroît.
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l’on croit
Ouïr la sauterelle
Crier d’une voix grêle
Ou pétiller la grêle
Sur le plomb d’un vieux toit.
 
D’étranges syllabes
Nous viennent encor.
Ainsi, des Arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s’élève,
Et l’enfant qui rêve
Fait des rêves d’or.
 
Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leur pas ;
Leur essaim gronde ;
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu’on ne voit pas.
 
Ce bruit vague
Qui s’endort,
C’est la vague
Sur le bord ;
C’est la plainte
Presque éteinte
D’une sainte
Pour un mort.
 
On doute
La nuit...
J’écoute : —
Tout fuit,
Tout passe ;
L’espace
Efface
Le bruit.
 

Les Orientales, 1829

Commentaire (s)

Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Dеlаruе-Μаrdrus : Lа Ρоmmе

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Du Βеllау : «Αprès аvоir lоngtеmps еrré sur lе rivаgе...»

Hugо : Βооz еndоrmi

Μаllаrmé : Αmiеs

Μilоsz : Sоlitudе

Lаmаndé : Βаtifоlаgе

Lеvеу : Jаpоn — Νаgаsаki

Lеvеу : Сôtе d’Αzur — Νiсе

☆ ☆ ☆ ☆

Éсоuсhаrd-Lеbrun : «Μаîtrеssе, Αmis, fаisаiеnt mоn biеn suprêmе...»

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Rеnаrd : Lе Суgnе

Νеlligаn : Lе Viоlоn brisé

Εlskаmp : «À présеnt с’еst еnсоr Dimаnсhе...»

Vеrlаinе : Fаdаisеs

Vеrlаinе : Unе grаndе dаmе

Lесоntе dе Lislе : Sûrуâ

Rоllinаt : L’Αmаntе mасаbrе

Vеrlаinе : «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur L’Εnfеr (Αpоllinаirе)

De Jаdis sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе)

De Jаdis sur «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur Lа Ρоmmе (Dеlаruе-Μаrdrus)

De Сосhоnfuсius sur Rêvе : «Jе nе puis m’еndоrmir, је rêvе...» (Lаfоrguе)

De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd)

De Сосhоnfuсius sur «Сеuх qui sоnt аmоurеuх, lеurs аmоurs сhаntеrоnt...» (Du Βеllау)

De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt)

De Сurаrе- sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)

De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt)

De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу)

De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin)

De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs)

De Τristаn Βеrnаrd sur Lеs Соnquérаnts (Hеrеdiа)

De Lа Μusérаntе sur Sоnnеt dе Ρоrсеlаinе (Viviеn)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе