Francis Jammes


EXISTENCES (fragments)


 

CHAPITRE SIXIÈME


  Le poète revenant de sa métairie. Il songe.


C’est par ici que passèrent mes parents morts.
Mon grand-père paternel, lorsqu’il revint
de la Guadeloupe — pour y repartir bientôt —
alla voir cette propriété qu’il aimait.
Il devait y songer souvent, aux Antilles,
quand l’océan léchait la plage, et que les nègres
s’accroupissaient aux seuils obscurs, les mains croisées
sur un genou et la bouche à hauteur du genou, tristes.
Quand son cœur gonflé de chagrins sans nombre
éclatait sous les lys de feu de la véranda sombre,
il devait, les bras croisés, fixer l’orient,
de ses yeux bleu d’acier sous les lunettes d’or.
Ô mon aïeul ! Je prie. Où sont les doux objets
que tu touchas, ta canne et ton petit habit bleu ?
Je ne sais. Mais tu as foulé cette terre.
Tu as tourné la haie où chantait cet oiseau.
Tu as vu cette borne usée où, un jour, une jeune fille
s’assit avec un collier de fruits rouges de tamier !
Et, dans ma tristesse, je t’appelle, ô chasseur de ramiers.
Sur une terre en feu, je voudrais me coucher
et mourir, écoulant frissonner et claquer
les voiles des pêcheurs le long des îlots pâles.
 
 
 

CHAPITRE VINGT-ET-UNIÈME


 

LE POÈTE (dans une mansarde où il écrit).


 
Mon cœur se calme. C’est octobre. Je veux laisser
un instant là l’œuvre à laquelle je travaille.
Je veux me souvenir des octobres passés,
et écouter la pluie tomber sur les platanes.
 
J’aurai bientôt trente-deux ans. Et, comme Hafiz,
nous dit Kahn, fut soucieux quand il vit blanchir sa barbe,
je sens venir le temps où les frêles jeunes filles
que j’ai aimées me salueront d’un air plus grave.
 
L’octobre de l’enfance était la route grise
où sonnaient les brebis dans l’odeur du brouillard,
l’école détestée, mais la grande cuisine
où les rouges fagots claquaient au foyer noir.
 
L’octobre adolescente était l’émotion
d’une verte prairie parsemée d’anémones ;
c’était le long baiser que me laissait l’automne
pour mieux aimer l’hiver dans l’âme des tisons.
 
Puis l’octobre qui vint fut moins pur et plus vaste :
Ce fut l’apaisement de ce dont je souffrais.
Mes yeux brûlants battaient sur ce parfum sauvage
qui sortait en tremblant de ses seins noirs sucrés.
 
Maintenant, que sera cet octobre nouveau ?
Ce sera-t-il les bois où je me réfugie
pour écouter le vide atroce de ma vie,
et pour guetter au loin les files de vanneaux ?
 
Étendu sur la mousse, ayant mis contre un chêne
mon vieux fusil dont j’aurai rabattu les chiens,
mon menton dans mes mains, à plat ventre, verrai-je
la résignation dans les yeux de mon chien ?
 
Cueillerai-je au bois noir le colchique d’automne ?
Tiendrai-je dans ma main la sarcelle blessée,
et chanterai-je aussi avec les bonnes pommes
la rainette qui crie au cœur des vieux rosiers ? 
 

Commentaire (s)

Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Dеlаruе-Μаrdrus : Lа Ρоmmе

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Du Βеllау : «Αprès аvоir lоngtеmps еrré sur lе rivаgе...»

Hugо : Βооz еndоrmi

Μаllаrmé : Αmiеs

Μilоsz : Sоlitudе

Lаmаndé : Βаtifоlаgе

Lеvеу : Jаpоn — Νаgаsаki

Lеvеу : Сôtе d’Αzur — Νiсе

☆ ☆ ☆ ☆

Rоnsаrd : «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...»

Rеnаrd : Lе Суgnе

Νеlligаn : Lе Viоlоn brisé

Εlskаmp : «À présеnt с’еst еnсоr Dimаnсhе...»

Vеrlаinе : Fаdаisеs

Vеrlаinе : Unе grаndе dаmе

Lесоntе dе Lislе : Sûrуâ

Rоllinаt : L’Αmаntе mасаbrе

Vеrlаinе : «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...»

Rimbаud : Αlсhimiе du vеrbе

Cоmmеntaires récеnts

De Jаdis sur «Jе vеuх lirе еn trоis јоurs l’Ιliаdе d’Hоmèrе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur Lа Ρоmmе (Dеlаruе-Μаrdrus)

De Сосhоnfuсius sur Rêvе : «Jе nе puis m’еndоrmir, је rêvе...» (Lаfоrguе)

De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd)

De Сосhоnfuсius sur «Сеuх qui sоnt аmоurеuх, lеurs аmоurs сhаntеrоnt...» (Du Βеllау)

De Сосhоnfuсius sur Du Rоi Hеnri аu соmmеnсеmеnt dе sоn règnе (Sаint-Gеlаis)

De Jаdis sur Ιl fеrа lоngtеmps сlаir се sоir... (Νоаillеs)

De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt)

De Сurаrе- sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе)

De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)

De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt)

De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу)

De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin)

De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs)

De Τristаn Βеrnаrd sur Lеs Соnquérаnts (Hеrеdiа)

De Lа Μusérаntе sur Sоnnеt dе Ρоrсеlаinе (Viviеn)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе