Étienne Jodelle


À sa Muse


 
Tu sais, ô vaine Muse, ô Muse solitaire
Maintenant avec moi, que ton chant qui n’a rien
Du vulgaire, ne plaît non plus qu’un chant vulgaire.
 
Tu sais que plus je suis prodigue de ton bien
Pour enrichir des grands l’ingrate renommée,
Et plus je perds le temps, ton espoir et le mien.
 
Tu sais que seulement toute chose est aimée
Qui fait d’un homme un singe, et que la vérité
Sous les pieds de l’erreur gît ores assommée.
 
Tu sais que l’on ne sait où gît la volupté,
Bien qu’on la cherche en tout, car la raison, sujette
Au désir, trouve l’heur en l’infélicité.
 
Tu sais que la vertu, qui seule nous rachète
De la nuit, se retient elle-même en sa nuit,
Pour ne vivre qu’en soi, sourde, aveugle et muette.
 
Tu sais que tous les jours celui-là plus la fuit
Qui montre mieux la suivre, et que notre visage
Se masque de ce bien à qui notre cœur nuit.
 
Tu sais que le plus fol prend bien le nom de sage,
Aveuglé des flatteurs ; mais il semble au poisson
Qui engloutit l’amorce et la mort au rivage.
 
Tu sais que quelques-uns se repaissent d’un son,
Qui les flatte partout ; mais, hélas ! ils démentent
La courte opinion, la gloire et la chanson.
 
Tu sais que, moi vivant, les vivants ne te sentent,
Car l’équité se rend esclave de faveur,
Et plus sont crus ceux-là qui, plus effrontés, mentent.
 
Tu sais que le savoir n’a plus son vieil honneur,
Et qu’on ne pense plus que l’heureuse nature
Puisse rendre un jeune homme à tout œuvre meilleur.
 
Tu sais que d’autant plus, me faisant même injure,
Je m’aide des vertus, afin de leur aider,
Et plus je suis tiré dans leur prison obscure.
 
Tu sais que je ne puis si tôt me commander ;
Tu connais ce bon cœur, quand pour la récompense
Il me faut à tous coups le pardon demander.
 
Tu sais comment il faut gêner ma contenance,
Quand un peuple me juge, et qu’en dépit de moi
J’abaisse mes sourcils sous ceux de l’ignorance.
 
Tu sais que, quand un prince aurait bien dit de toi,
Un plaisant s’en rirait ou qu’un piqueur stoïque
Te voudrait par sottise attacher de sa loi.
 
Tu sais que tous les jours un labeur poétique
Apporte à son auteur ces beaux noms seulement
De farceur, de rimeur, de fol, de fantastique.
 
Tu sais que si je veux embrasser mêmement
Les affaires, l’honneur, les guerres, les voyages,
Mon mérite tout seul me sert d’empêchement.
 
Bref, tu sais quelles sont les envieuses rages
Qui même au cœur des grands peuvent avoir vertu,
Et qu’avec le mépris se naissent les outrages.
 
Mais tu sais bien aussi, (vainement aurais-tu
Débattu si longtemps et, dedans ma pensée,
De toute ambition le pouvoir combattu),
 
Tu sais que la vertu n’est point récompensée,
Sinon que de soi-même, et que le vrai loyer
De l’homme vertueux, c’est sa vertu passée.
 
Pour elle seule donc je me veux employer,
Me dussè-je noyer moi-même dans mon fleuve
Et de mon propre feu le chef me foudroyer.
 
Si donc un changement au reste je n’épreuve,
Il faut que le seul vrai me soit mon but dernier,
Et que mon bien total dedans moi seul se treuve :
 
Jamais l’opinion ne sera mon collier.
 

Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 26 juin 2016 à 17h27

Le coq et le phénix
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Rêvant qu’il est phénix, un vieux coq solitaire
Pense à ses compagnons, dont il ne reste rien ;
Heureux de ne plus être un emplumé vulgaire,
Il aime son état, dont il se trouve bien.

Je connais des phénix, surtout de renommée,
Le prestige qu’ils ont me semble mérité ;
En de nombreux endroits, leur image est aimée,
Ce sont des oiseaux-dieux, je dis la vérité.

Mais être un cormoran qui prend quelques poissons
Et non pas un phénix, cela serait plus sage,
Ou bien le rossignol, répétant sa chanson,
Ou un grave échassier marchant sur le rivage.

[Lien vers ce commentaire]

Déposé par Curare- le 26 juin 2016 à 20h49

Tu avais 1 os à ronger, ce matin ?  

Que nenni suis-je 1 poule édentée
En regardant glander 1 cochon d’ange heureux

[Lien vers ce commentaire]

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