Admirant ta blancheur, beauté, majesté, gloire,
Qui sur ton front placée orgueillit tout ton port,
Et ce qui de l’esprit comme un oracle sort,
Car c’est un Dieu renclos qui meut ce corps d’ivoire,
Digne de te servir je ne me saurais croire,
Eussè-je un cœur plus haut et tout un autre sort
Et mon corps logeât-il pour te venger de mort,
Quelque grand-Muse, fille et mère de Mémoire.
Comme de te servir indigne je me sens,
Je sens pour te louer incapables mes sens ;
Si faut-il que je t’aime et faut que je te chante.
Ta faveur qui fera mon humblesse hausser,
Ta déité qui fait mon esprit renforcer,
Rend mon service digne, et ma Muse puissante.
De sable au coursier d’argent
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Cheval sans cavalier ne cherche point la gloire,
Mais le repos, comme ont les nefs dedans le port ;
Sur nul champ de bataille il ne risque son sort,
Nulle goutte de sang sur sa robe d’ivoire.
Poète sans souci au renom ne veut croire ;
Que vienne le vent d’est ou bien celui du nord,
Son esquif au chenal s’en va, tirant des bords,
Comme fait dans le ciel un oiseau sans mémoire.
C’est bien d’être cheval, lorsque l’on peut danser ;
Le chanteur trouve bon de ne pas trop penser,
La nature est farceuse et n’est pas trop méchante.
Un godet là-dessus de ce magique sang
Du fils du charpentier, un remède puissant,
Grâce auquel ce sonnet sort de ma plume, et chante.
Déposé par Cochonfucius le 9 novembre 2022 à 10h59
Coursier du roi
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Je voudrais déserter les sentiers de la gloire,
Et, si je le pouvais, je deviendrais un porc ;
Mais je fais de mon mieux pour accepter ce corps,
Ainsi que ce destin, fugace et transitoire.
Le Roi me dit vaillant, je voudrais bien le croire,
Mais comme destrier je ne suis pas bien fort ;
Quand j’entends un guerrier qui sonne de son cor,
Je m’attends aussitôt à de sanglants déboires.
Sire, je ne dis pas ça pour vous offenser,
Mais l’argent d’une guerre est en vain dépensé,
Même dans un espoir de victoire éclatante.
Je vois mille blessés qui baignent dans leur sang ;
Mais, si c’est à ce prix qu’un monarque est puissant,
Je dois lui préférer un errant sous sa tente.