Ô royauté tragique ! ô vêtement infâme !
Ô poignant diadème ! ô Sceptre rigoureux !
Ô belle et chère tête ! ô l’amour de mon âme !
Ô mon Christ seul fidèle et parfait amoureux !
On vous frappe, ô saint chef, et ces coups douloureux
Font que votre Couronne en cent lieux vous rentame.
Bourreaux, assenez-le d’une tranchante lame,
Et versez tout à coup ce pourpre généreux.
Faut-il pour une mort qu’il en souffre dix mille ?
Hé ! voyez que le sang, qui de son chef distille,
Ses prunelles détrempe et rend leur jour affreux.
Ce pur sang, ce Nectar, profané se mélange
À vos sales crachats, dont la sanglante fange
Change ce beau visage en celui d’un lépreux.
Ces deux vaches de Dieu ont une fort belle âme,
Ainsi que des agneaux, dans ces temps rigoureux ;
Et ces deux bovidés ne feront rien d’infâme,
Même sous l’impulsion de leur corps amoureux.
Vivre la sainteté, ce n’est pas douloureux,
Pas plus que de tracer une phrase au calame ;
Et l’ascèse n’est pas une tranchante lame
Qui pourrait mutiler ces muscles généreux.
Une vache sacrée se distingue entre mille,
Rien que par le parfum que sa corne distille,
Qui peut rendre gentils presque tous les affreux.
Le blason de la vache est un noble mélange
Des monstres de ce monde et de son maintien d’ange,
Comme sont mélangés les faibles et les preux.