La Fontaine



Juges, si j’ai souffert des reproches frivoles,
Ce n’est point pour manquer de droit ni de paroles :
Le respect seulement a retenu ma voix.
Palatiane veut vous imposer des lois ;
Les honneurs ne sont faits que pour ses mains savantes ;
Ce serait trop pour nous que d’être ses suivantes.
Elle m’appelle ingrate, et pense m’ébranler ;
Mais qui l’est de nous deux, puisqu’il en faut parler ?
Sans tous ses ornements, serais-je pas la même ?
Et quant à sa beauté, qui lui semble suprême,
Bien souvent sans la mienne on n’y penserait pas ;
Seule je sais donner du lustre à ses appas.
Contre les aquilons elle m’est nécessaire :
Il n’est point de couvert qui n’en pût autant faire.
Ou va-t-elle chercher les premiers des humains ?
Quels chefs-d’œuvre alors sont sortis de ses mains ?
Qu’importe qu’elle serve aux dieux même d’asile ?
Car il ne s’agit pas d’être la plus utile ;
C’est assez de causer le plaisir seulement,
Pour satisfaire aux lois de cet enchantement ;
En termes assez clairs la chose est exprimée :
« Soit donné, dit le mage, à la plus grande fée. »
En est-il de plus grande, ayant tout bien pesé,
Que celle par qui oe.il est sans cesse abusé ?
À de simples couleurs mon art plein de magie
Sait donner du relief, de l’âme, et de la vie :
Ce n’est rien qu’une toile, on pense voir des corps.
J’évoque, quand je veux, les absents et les morts ;
Quand je veux, avec l’art je confonds la nature :
De deux peintres fameux qui ne sait l’imposture ?
Pour preuve du savoir dont se vantaient leurs mains,
L’un trompa les oiseaux, et l’autre les humains.
Je transporte les yeux aux confins de la terre :
Il n’est événement ni d’amour, ni de guerre,
Que mon art n’ait enfin appris à tous les yeux.
Les mystères profonds des enfers et des cieux
Sont par moi révélés, par moi l’œil les découvre ;
Que la porte du jour se ferme, ou qu’elle s’ouvre.
Que le soleil nous quitte, ou qu’il vienne nous voir
Qu’il forme un beau matin, qu’il nous montre un beau soir,
J’en sais représenter les images brillantes.
Mon art s’étend sur tout ; c’est par mes mains savantes
Que les champs, les déserts, les bois et les cités,
Vont en d’autres climats étaler leurs beautés.
Je fais qu’avec plaisir on peut voir des naufrages,
Et les malheurs de Troie ont plu dans mes ouvrages :
Tout y rit, tout y charme ; on y voit sans horreur
Le pâle Désespoir, la sanglante Fureur,
L’inhumaine Clothon qui marche sur leurs traces ;
Jugez avec quels traits je sais peindre les Grâces.
Dans les maux de l’absence on cherche mon secours :
Je console un amant privé de ses amours ;
Chacun par mon moyen possède sa cruelle.
Si vous avez jamais adoré quelque belle
(Et je n’en doute point, les sages ont aimé),
Vous savez ce que peut un portrait animé :
Dans les cœurs les plus froids il entretient des flammes.
Je pourrais vous prier par celui de vos dames ;
En faveur de ses traits, qui n’obtiendrait le prix ?
Mais c’est assez de Vaux pour toucher vos esprits
Voyez, et puis jugez ; je ne veux autre grâce.
 

Le Songe de Vaux

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