Adrien Mithouard

(1864-1919)

D’autrеs pоèmеs :

Lа Rеliquе

Jеаn dе lа Lunе

 

 

Adrien Mithouard


Notre-Dame des Poètes


   
Je ne veux plus aimer que ma mère Marie ;
Tous les autres amours sont de commandement.
VERLAINE.


Puisqu’un doux ruissel d’argent,
De la lune s’épanchant,
Tremble sur les eaux muettes,
Vers les astres et les flots
Je veux moduler ton los,
Notre-Dame des Poètes.
 
Oui, ceux dont l’âme soudain
Fleurit comme un grand jardin
Sont tes fils par la souffrance.
Qui donc loueraient-ils en chœur
Sinon toi, qui sais par cœur
Tous les poètes de France ?
 
Il en est qui vivent d’air,
Et qui se vêtent l’hiver
De lin que la bise agite,
Et qui n’ont, jusqu’à leur fin,
Jamais cessé d’avoir faim :
Quelques-uns n’ont pas de gîte !
 
Mais, ô Vierge, tu conduis
Tes astres au ciel des nuits,
Pour qu’ils dorment une trêve ;
Au zénith tu resplendis
Pour faire sur ces maudits
Neiger la manne du rêve.
 
D’autres sont de grands seigneurs.
Ils ont tout, richesse, honneurs,
La gloire, le droit d’aînesse,
Et des tableaux alignés,
Par les vieux maîtres signés ;
Mais ils n’ont plus la jeunesse.
 
Aussi, comme aux mauvais jours,
C’est toi qui viens au secours
De leurs maux que tu dévoiles ;
Et, pitoyable aux heureux,
Tu marches, priant pour eux,
Dans le semis des étoiles.
 
Il en est qui sans effroi,
Mauvais fils, ont ri de toi,
La chair d’opprobre assouvie.
Ils t’insultent dans leurs chants
Qu’ils chantent pour les méchants,
Ils t’insultent dans leur vie.
 
Mais de ces mauvais garçons,
Qu’à tort nous applaudissons,
Tu veux être aussi la mère ;
Car ton cœur sait découvrir
Que t’insulter, c’est souffrir,
Et que leur joie est amère.
 
J’en sais qu’un souffle meurtrit,
Qui sont des simples d’esprit,
Doux comme un lys qui se penche,
Ombrageux comme des faons,
Ce sont de petits enfants :
Il en est dont l’âme est blanche.
 
Blanche et douce pour ceux-ci,
Tu gardes leur âme ainsi
Que l’ambre enclos en un vase.
Chantez dans vos palinods,
Poètelets virginaux,
Chantez la Vierge en extase !
 
D’autres, qui souffraient vraiment
D’un immense brisement,
D’un sanglot ont fait un livre.
Ils se traînent, morfondus,
Tels que des enfants perdus ;
Ils sont tout tristes de vivre.
 
Mère, dont Jésus l’enfant,
Bleu de froid, tremblait au vent
Qui disperse la ramille,
Ô Dame des Sept-Douleurs,
Par le baptême des pleurs
Ils sont bien de ta famille !
 
Gais comme un rayon du jour,
Il en est qui de l’amour
Effeuillent la fleur légère
Dans les boudoirs de satin,
Où flotte un rire argentin
Sur la foule passagère.
 
À ceux-là tu fais aussi
L’aumône de ta merci,
Car ils ont la gorge en flamme
À vouloir, dans un rondeau,
Calmer d’une goutte d’eau
L’éternelle soif de l’âme.
 
D’autres ont fui la maison,
Pour courir vers l’horizon
Où se sauvait leur chimère.
Quand ils s’endorment le soir,
Près d’eux ne vient plus s’asseoir,
Silencieuse, leur mère.
 
Mais ceux-là sont tes élus
Qui sur terre n’en ont plus
Et vont, l’âme endolorie ;
C’est ta lèvre, aux orphelins,
Qui chante des mots câlins.
Gloire à toi, sainte Marie !
 
Il en est de toute humeur,
Mais j’ai saisi leur clameur,
Mais j’ai vu la meurtrissure
Dont saignaient leurs cœurs trahis.
Il en est de tous pays :
Ils ont tous une blessure.
 
Tous ils ont ce grand chagrin
Que leur lyre soit d’airain,
Et de ne pas pouvoir dire
Avec des mots cadencés
Tous les rêves insensés
Qui les mettent au martyre.
 
C’est pour eux, au bord du ciel,
Que l’archange Gabriel
Éternellement égrène
Un rosaire de soleils,
Roulant nos mondes vermeils
Dans les plis bleus de sa traîne.
 
Des rubis jettent leurs feux,
Ô Reine, sur tes cheveux,
Qui portent l’orfèvrerie.
À ton diadème d’or
Je veux ajouter encor
L’éclat d’une pierrerie.
 
Donc, pour que de vos sanglots,
De vos pleurs coulant à flots,
De votre misère noire,
De vos labeurs douloureux,
De votre sang généreux,
Je fasse un joyau de gloire,
 
Pleurez, poètes, pleurez !
Souffrez vos tourments sacrés,
Pleurez dans votre agonie ;
Brisez vos cœurs éperdus,
Gravissez les jours ardus,
Pleurez vos pleurs d’harmonie !
 
Cependant qu’ils gémiront,
Je sertirai pour ton front,
Mère que leur cri désarme,
Dans mon verbe de métal
Un joyau de pur cristal,
Diamant fait d’une larme !
 

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