L’heure de ma mort, depuis dix-huit mois,
De tous les côtés sonne à mes oreilles,
Depuis dix-huit mois d’ennuis et de veilles,
Partout je la sens, partout je la vois.
Plus je me débats contre ma misère,
Plus s’éveille en moi l’instinct du malheur ;
Et, dès que je veux faire un pas sur terre,
Je sens tout à coup s’arrêter mon cœur.
Ma force à lutter s’use et se prodigue.
Jusqu’à mon repos, tout est un combat ;
Et, comme un coursier brisé de fatigue,
Mon courage éteint chancelle et s’abat.
1857.
[Poésies posthumes]
Commentaire (s)
Déposé par Jadis le 10 mai 2022 à 10h50
Dernier verre
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Résumons : la messe est dite, et pour moi,
Désormais la vie est un peu pareille :
Que je m’assoupisse ou que je m’éveille,
C’est toujours la même ombre que je vois.
Dans ce galetas, près de Saint-Nazaire,
Où je me tapis, comme un entôleur,
J’assèche mes jours, sombre et solitaire,
Et mon dernier bock, bien à contrecœur.
Contemplant la mer, debout sur la digue,
Je ne prétends plus à rien ici-bas ;
Et, claquant du bec, tel un pauvre zigue,
Je n’ai plus d’espoir, et plus de tabac.