Émile Nelligan


Devant deux portraits de ma mère


 
Ma mère, que je l’aime en ce portrait ancien,
Peint aux jours glorieux qu’elle était jeune fille,
Le front couleur de lys et le regard qui brille
Comme un éblouissant miroir vénitien !
 
Ma mère que voici n’est plus du tout la même ;
Les rides ont creusé le beau marbre frontal ;
Elle a perdu l’éclat du temps sentimental
Où son hymen chanta comme un rose poème.
 
Aujourdhui je compare, et j’en suis triste aussi,
Ce front nimbé de joie et ce front de souci,
Soleil d’or, brouillard dense au couchant des années.
 
Mais, mystère de cœur qui ne peut s’éclairer !
Comment puis-je sourire à ces lèvres fanées ?
Au portrait qui sourit, comment puis-je pleurer ?
 

Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 4 mars 2021 à 14h05

Enfant d’ondine et de griffon
-------

Je suis l’ondin-griffon, monstre des temps anciens,
Ma mère avait les traits d’une charmante fille ;
On en trouve un reflet dans mon regard qui brille,
Mon corps, tu peux le voir, est plus lourd que le sien.

Mon père voltigeait dans le ciel alsacien,
Sans vouloir à tout prix fonder une famille ;
Mais comment résister à l’ondine gentille ?
Impossible, m’ont dit les meilleurs logiciens.

Aujourd’hui, donc, je plane et puis je nage aussi,
Dans l’onde ou dans les airs n’éprouvant nul souci ;
Je vois s’évaporer les défuntes années.

L’ondine qui jadis sur son coeur m’a serré,
Son souvenir jamais ne doit être enterré ;
De sa frêle douceur la fleur n’est pas fanée.

[Lien vers ce commentaire]

Déposé par Vincent le 7 mars 2021 à 14h23

Courage

En un temps que je crois, de sept, huit ans, ancien,
Je m’inquiétais beaucoup pour la vie de ma fille,
J’y songe ce matin devant ses yeux qui brillent
À nouveau du bonheur d’être parmi les siens.

Pendant près de dix mois, seuls quelques praticiens
En oncopédiatrie et sa proche famille,
Sans oublier quatre amies, on ne peut plus gentilles,
Purent entrer dans sa chambre aux volets vénitiens.

Jamais je n’ai vécu une période aussi
Dure moralement, or j’ai eu des soucis,
Du haut de mes cinquante et bientôt cinq années.

Je longe l’hôpital toujours le cœur serré,
En pensant aux parents, qui apprennent, atterrés,
Que leur progéniture est peut-être fanée.

[Lien vers ce commentaire]

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