Noël ! Noël !
Des clochetons !
Noël ! Noël !
Tous les bourdons
Sautent en chœur jusqu’à la lune,
Noël ! Noël !
Il neige doux,
Noël ! Noël !
Des anges flous,
Emmitouflés, dans la nuit brune,
Sonne, sonnez, sonne, allez donc,
Mes belles cloches, dig, ding, dong !
Dos contrefait,
En capeluche
De blanc duvet,
Chante la bûche...
Les flammes font la ronde autour,
En manteaux vifs
Et décoiffées...
Sus aux hâtifs
Châteaux des fées !
Le nain rouge grimpe à la tour
Pour délivrer sa dame rose.
Hui !... Frou !... tout se métamorphose.
Noël ! venez,
La table fume.
Ca, joyeux nez,
Renifle, hume !
C’est la fête au fond des escargots
Et dans le jus
Sacré de l’oie...
Vive Jésus !
Et vive joie,
Vous, ô recluses des fagots,
Bouteilles, vieilles mal peignées
En robe de fils d’araignées !
Sans but ni choix,
Ris et paroles,
Tous à la fois
En suites folles
Font des zigzags de papillons.
Noël ! Noël !
Le cœur nous saute,
Noël ! Noël !
Dans la nuit haute,
Jusqu’au battant des carillons...
L’esprit des belles maisonnées
Rit au faîte des cheminées.
La mère rit,
Le père joue,
Le tout petit
Court, se secoue.
Mais notre beau soldat s’assoit
Tout rouge et bleu
Près de grand-mère ;
Le Roi du feu
Les considère
Et s’esclaffe de ce qu’il voit.
Mais il cherche... « Où me l’a-t-on mise ?... »
Avec son promis la promise.
Heu ! crois-je pas
Qu’en l’ombre on cause ?
Que dit-on bas ?
Vers ou bien prose
D’un cantique du temps passé ?
L’air est joyeux,
Les mots sont tendres,
Plus neufs, plus vieux
Que flamme et cendres...
Bûche, menons aux fiancés,
Braises, petites voix bénies,
Le chœur léger des bons génies...
Noël ! Noël !
Des clochetons !
Noël ! Noël !
Tous les bourdons
Sautent en chœur jusqu’à la lune,
Noël ! Noël !
Il neige doux,
Noël ! Noël !
Des anges flous,
Emmitouflés, dans la nuit brune,
Sonne, sonnez, sonne, allez donc,
Mes belles cloches, dig, ding, dong !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mais quel est celui-ci qu’une main d’ombre accable,
Penché si lourdement sur l’ouvrage du feu ?
Son assiette froide est seule sur la table.
Est-ce un coupable ?... Un exilé ?... Voyons un peu,
Bûche, qu’en penses-tu ? Sa femme est-elle morte ?
Ou plus morte que morte avec l’amour au vent ?
L’a-t-on trahi ? — Son frère ou son ami, n’importe —
Ses enfants, où sont-ils ?... Et sa belle ? Au couvent ?
Il n’a ni compagnons, ni maîtresse, ni femme ;
Les enfants n’ont rien dérangé dans son souci ;
Il n’a parlé qu’aux seuls fantômes de son âme ;
C’est de courir après le vent qui l’a transi.
Ah ! mauvais écolier qui te disais un conte
Au lieu d’apprendre enfin ta réelle leçon,
Faiseur de faux calculs qui n’eus jamais ton compte
De gouttes pour ta soif, de mots pour ta chanson,
Noël ! Noël ! Entends-tu les cloches danseuses ?
L’homme n’est plus ce soir qu’un frêle nouveau-né
Qui s’éveille en sursaut et cherche ses berceuses,
Les nourrices d’amour qui l’ont abandonné.
Qui m’aimera ? Qui m’aimera dans la nuit douce ?
Ah ! qui donc ? — les mamans, c’est si vite passé ! —
Puisque dans l’avenir désert où Dieu nous pousse
Le cœur qui m’abritait, nul ne l’a remplacé ?
Noël ! Dans le vieux temps lointain mon cœur s’élance !
Et lente, grise, vague, avec cent yeux d’azur,
La Ronde du Passé tourne dans le silence.
Ses revenants doux et fanés longent le mur.
C’est la maison, la salle et son foyer folâtre
Où le sabot naïf espérait dans un coin...
Et Jésus emplissant tous ses rêves dans l’âtre...
— Tous ses rêves !... Ô Dieu ! que ces heures sont loin !
La femme aux genoux chauds, endormeuse de plaintes,
Qui vous berçait d’un chant toujours plus vague un peu ;
La femme aux doigts calmants qui venait sus aux craintes
Avec sa lampe et vous tendait les pieds au feu ;
Celle qui dans ses mains serrait les mains peureuses
Et, défaisant d’à peine un souffle le réseau
Des cauchemars ourdis en mailles ténébreuses,
Secouait les démons accrochés au berceau...
Où donc es-tu, pauvre vieille, ma seule Dame ?
Retrouve-moi ! Vois-tu pas au déclin du feu
Que j’ai besoin de tes secrets de bonne femme ?
Je rirais tant pour un polichinelle bleu !
Vois-tu, depuis longtemps, j’ai bien eu du courage,
J’ai souffert sans mot dire : on se serait moqué.
J’ai fait mon œuvre auprès de ma douleur bien sage
Mais pour du bonheur vrai la force m’a manqué.
Chante-moi la chanson où la mère est partie,
Où la marâtre reste avec l’enfant plaintif.
Chante, et tout doucement tiens ma tête blottie
À l’endroit que j’avais sur ton cœur fugitif.
Emporte-moi dans la « chapelle blanche » à l’heure
Où tant bercé j’aurai des brumes en l’esprit.
Dis moi tout bas « Mon cher petit » pour que j’en pleure.
« Mon cher petit... Mon cher petit ... Mon cher petit... »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Noël ! Les yeux du feu sont clos, la braise râle,
De la bûche qui meurt plus rien ne se défend.
Plus rien... tout tombe... Il reste un peu de cendre pâle...
De l’ombre... un peu de cendre... un long sanglot d’enfant.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Noël ! Noël !
Des clochetons !
Noël ! Noël !
Tous les bourdons
Sautent en chœur jusqu’à la lune,
Noël ! Noël !
Il neige doux,
Noël ! Noël !
Des anges flous,
Emmitouflés, dans la nuit brune,
Sonne, sonnez, sonne, allez donc,
Mes belles cloches, dig, ding, dong !
Hui !... Les maisons
S’ouvrent ensemble.
Sur les tisons,
Un follet tremble
Et meurt après un petit bond.
Chacun vous prend
Sa pélerine.
Les mères-grand
En capeline
Tournent la clef et puis s’en vont.
Le long des seuils muets et ternes,
Il trotte menu des lanternes.
Noël ! Soudain
Luit un cortège
Vers le lointain
Château de neige
Aux tours sonnantes de cristal
Qui dans la nuit
Vibre et flamboie.
Déjà bruit
De vaste joie
La porte du palais natal
Où le roi dort... « Dodo la Rose. »
Avec une si douce pose.
Là cent beaux airs
Pleins de louanges
Coulent tout clairs
Du sein des anges ;
Trompes d’argent, violes d’or
Chantent d’amour
Dans la nuit noire,
Chantent autour
Du fils de gloire,
Jésus notre Sire qui dort ;
Cent lustres, là, que l’encens voile,
Bercent leurs corbeilles d’étoiles.
Éblouissant,
Le chœur des cierges
Monte et descend,
Telles des vierges,
Les degrés du trône... Noël !
Noël ! Joyeux
Dans la lumière
Le peuple aux cieux
Suit sa prière
Et rit à son Emmanuel.
Les prêtres dorés, à voix basse,
Haut les mains, appellent sa grâce.
Simples de cœur
Qui, l’ange en tête,
De l’âtre au chœur
Menez la fête,
Bénis de Dieu qui l’avez vu.
Bel et mignon
Petit qu’on choie,
— Quel compagnon !
De quelle joie ! —
Priez pour le cœur dépourvu
Qui dans la nuit émerveillée
Poursuit son amère veillée