Germain Nouveau


Le Portrait


 
Depuis longtemps, je voudrais faire
Son portrait, en pied, suis-moi bien :
Quand elle prend son air sévère,
Elle ne bouge et ne dit rien.
 
Ne croyez pas qu’Elle ne rie
Assez souvent ; alors, je vois
Luire un peu de sorcellerie
Dans les arcanes de sa voix.
 
Impérieuse, à n’y pas croire !
Pour le moment, pour son portrait,
(Encadré d’or pur, sur ivoire)
Plus sérieuse... qu’un décret.
 
Suivez-moi bien : son Âme est belle
Autant que son visage est beau,
Un peu plus... si je me rappelle
Que Psyché se rit du Tombeau.
 
Tout le Ciel est dans ses prunelles
Dont l’éclat... efface le jour,
Et qu’emplissent les éternelles
Magnificences de l’Amour ;
 
Et ses paupières sont ouvertes
Sur le vague de leur azur,
Toutes grandes et bien mieux, certes,
Que le firmament le plus pur.
 
L’arc brun de ses grands sourcils, digne
De la flèche d’amours rieurs,
Est presque un demi-cercle, signe
De sentiments supérieurs.
 
Sans ride morose ou vulgaire,
Son front, couronné... de mes vœux,
En fait de nuages n’a guère
Que l’ombre douce des cheveux.
 
Quand elle a dénoué sa tresse
Où flottent de légers parfums,
Sa chevelure la caresse
Par cascades de baisers bruns,
 
Qui se terminent en fumée
À l’autre bout de la maison,
Et quand sa natte est refermée
C’est la plus étroite prison,
 
Le nez aquilin est la marque
D’une âme prompte à la fureur,
Le sien serait donc d’un monarque
Ou d’une fille d’empereur ;
 
Ses deux narines frémissantes
Disent tout un trésor voilé
De délicatesses puissantes
Au fond duquel nul est allé.
 
Ses lèvres ont toutes les grâces
Comme ses yeux ont tout l’Amour,
Elles sont roses, point trop grasses,
Et d’un spirituel contour.
 
Ho, çà ! Monsieur, prenez bien garde
À tous les mots que vous jetez,
Son oreille fine les garde
Longtemps, comme des vérités.
 
L’ensemble vit, pense, palpite ;
L’ovale est fait de doux raccords ;
Et la tête est plutôt petite,
Proportionnée à son corps.
 
Esquissons sous sa nuque brune
Son cou qui semble... oh ! yes, indeed !
La Tour d’ivoire, sous la lune
Qui baigne la Tour de David ;
 
Laquelle, loin que je badine,
Existe encor, nous la voyons
Sur l’album de la Palestine,
Chez les gros marchands de crayons.
 
Je voudrais faire... les épaules.
Ici, madame, permettez
Que j’écarte l’ombre des saules
Que sur ces belles vous jetez...
 
Non ? vous aimez mieux cette robe
Teinte de la pourpre que Tyr
À ses coquillages dérobe
Dont son art vient de vous vêtir ;
 
Vous préférez à la nature
D’avant la pomme ou le péché,
Cette lâche et noble ceinture
Où votre pouce s’est caché.
 
Mais votre peintre aime l’éloge,
Et... l’on est le premier venu
Fort indigne d’entrer en loge,
Si l’on ne sait rendre le nu ;
 
S’il ne peut fondre avec noblesse
Cette indifférence d’acier
Où sa réflexion vous laisse,
Comment fera-t-il votre pied ?
 
Vos mains mignonnes, encor passe ;
Mais votre pied d’enfant de rois
Dont la cambrure se prélasse
Ainsi qu’un pont sur les cinq doigts,
 
Qu’on ne peut toucher sans qu’il parte
Avec un vif frémissement
Des doigts dont le pouce s’écarte,
Comme pour un... commandement...
 
Vous persistez, c’est votre affaire,
Faites, faites, ça m’est égal !
Je barbouille tout, de colère...
Et tant pis pour mon madrigal !
 

Valentines, 1887

Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 10 juillet 2016 à 11h42

Deux lords
-----------

Ces lords ne savent pas quoi faire :
Plutôt le mal? plutôt le bien ?
On leur a dit d’être sévères ;
Ça, vraiment, ça ne leur dit rien.

Or, faut-il que le peuple en rie ?
Le berger sourit, s’il les voit ;
Il pourrait, par sorcellerie,
Rendre autoritaire leur voix.

Pour qu’en eux-mêmes ils puissent croire,
Le curé a fait leur portrait :
Entre eux, un talisman d’ivoire
Devenu sacré, par décret.

[Lien vers ce commentaire]


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Βlаisе Сеndrаrs

Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе

Νuуsеmеnt : «Lе vаutоur аffаmé qui du viеil Ρrоméthéе...»

Lа Сеppèdе : «Сеpеndаnt lе sоlеil fоurnissаnt sа јоurnéе...»

Τоulеt : «Dаns lе silеnсiеuх аutоmnе...»

Μussеt : À Αlf. Τ. : «Qu’il еst dоuх d’êtrе аu mоndе, еt quеl biеn quе lа viе !...»

Vеrlаinе : «Lа mеr еst plus bеllе...»

Jасоb : Lе Dépаrt

Βеrtrаnd : Μоn Βisаïеul

Ρоnсhоn : Lе Gigоt

Lа Fоntаinе : Lе Сhаrtiеr еmbоurbé

Jасоb : Silеnсе dаns lа nаturе

☆ ☆ ☆ ☆

Βаudеlаirе : Unе сhаrоgnе

Lаfоrguе : Lе Sаnglоt univеrsеl

Сrоs : Ρituitе

Jаmmеs : Lа sаllе à mаngеr

Régniеr : Lа Lunе јаunе

Rоdеnbасh : «Αllеluiа ! Сlосhеs dе Ρâquеs !...»

Lаfоrguе : Соmplаintе d’un аutrе dimаnсhе

Vеrlаinе : Lе Dеrniеr Dizаin

Νоël : Visiоn

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur Sаintе (Μаllаrmé)

De Сосhоnfuсius sur «Jе vоguе sur lа mеr, оù mоn âmе сrаintivе...» (Gоmbаud)

De Сосhоnfuсius sur Εn hivеr (Vеrhаеrеn)

De Dаmе dе flаmmе sur Vеrlаinе

De Сurаrе- sur Sur l’Hélènе dе Gustаvе Μоrеаu (Lаfоrguе)

De Dаmе dе flаmmе sur Οisеаuх dе pаssаgе (Riсhеpin)

De Сurаrе- sur «Ιl n’еst riеn dе si bеаu соmmе Саlistе еst bеllе...» (Μаlhеrbе)

De Xi’аn sur Lе Gigоt (Ρоnсhоn)

De Jаdis sur «Lе Sоlеil l’аutrе јоur sе mit еntrе nоus dеuх...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «Qu’еst-се dе vоtrе viе ? unе bоutеillе mоllе...» (Сhаssignеt)

De Dаmе dе flаmmе sur À sоn lесtеur : «Lе vоilà сеt аutеur qui sаit pinсеr еt rirе...» (Dubоs)

De Yеаts sur Ρаul-Jеаn Τоulеt

De Ιо Kаnааn sur «Μаîtrеssе, quаnd је pеnsе аuх trаvеrsеs d’Αmоur...» (Rоnsаrd)

De Rоzès sur Μédесins (Siсаud)

De Dаmе dе flаmmе sur «Hélаs ! vоiсi lе јоur quе mоn mаîtrе оn еntеrrе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «J’аdоrе lа bаnliеuе аvес sеs сhаmps еn friсhе...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сhеmin dе sаblе (Siсаud)

De Sеzоr sur «Jе vоudrаis biеn êtrе vеnt quеlquеfоis...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De KUΝG Lоuisе sur Villе dе Frаnсе (Régniеr)

De Xi’аn sur Jеhаn Riсtus

De Xi’аn sur «Épоuvаntаblе Νuit, qui tеs сhеvеuх nоirсis...» (Dеspоrtеs)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе