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La Muse au cabaret
À G. de Lautrec.
« Dans le wagon des dames seules, nous étions quarante fumeurs. »
Gabriel de Lautrec.
À la gare nous arrivâmes,
Par malheur ! quand tout était pris.
Mais, voulant partir à tout prix.
Nous dûmes monter chez les dames,
— Non sans exciter des rumeurs —
Avec nos chiennes épagneules.
Dans le wagon des dames seules
Nous étions quarante fumeurs.
Après une rapide enquerre,
Nous aperçûmes, dans les coins,
Des êtres du genre « moukère »,
S’épuisant en des baragouins.
On eût dit d’antiques primeurs,
Sinon de rassises bégueules.
Dans le wagon des dames seules
Nous étions quarante fumeurs.
Certes, à notre accoutumée —
Car on sait vivre, Dieu merci !
Nous voulions d’abord savoir si
Les incommodait la fumée !
« Oui, messieurs » — non sans quelque humeur,
Nous répondirent ces aïeules.
Dans le wagon des dames seules
Nous étions quarante fumeurs.
« Ah ! vraiment, ça n’est pas de chance !
Alors, vous allez bien souffrir.
Ne pas fumer ! Plutôt mourir ! »
Fîmes-nous. — Allons, on commence...
Et, sans écouter leurs clameurs,
Nous sortîmes nos brûle-gueules.
Dans le wagon des dames seules
Nous étions quarante fumeurs.
Bientôt, une fumée atroce
Envahit le compartiment.
Les pauvres ! bien certainement,
Ne devaient pas être à la noce,
Tandis l’une disait : Je meurs !
Une autre tapait sur nos gueules...
Dans le wagon des dames seules
Nous étions quarante fumeurs.
Qu’arriva-t-il de ces sorcières ?
Eh bien, mais... d’un commun accord,
On les jeta par-dessus bord,
C’est-à-dire par les portières,
Du geste auguste des semeurs
Elles churent dans les éteules...
Dans le wagon des dames seules
Nous étions quarante fumeurs.
Ô bizarre temps que le nôtre !
Il est évident qu’autrefois
On se fût montré plus courtois.
C’est ainsi que, d’un siècle à l’autre,
Vont se modifiant les mœurs.
De nos jours, on est lâche — ou veule.
Dans le wagon des dames seules
Nous étions quarante fumeurs !
Commentaire (s)
Déposé par Jadis le 13 juin 2020 à 14h38
Ce jour-là, au bord du bitume,
Au soleil qui brillait gaiment
Séchaient depuis un bon moment :
Moi-même, dans mon beau costume,
Un étudiant, un vieux campeur,
Enfin une beauté Persane.
Sur la bretelle de Lausanne
Nous étions quatre auto-stoppeurs.
Hélas, les nombreux véhicules
Passaient, cruels, sans s’arrêter
Et nous laissaient désappointés,
Penauds, contrits et ridicules.
Clairement, nous leur faisions peur,
Bien plus que la mahométane.
Sur la bretelle de Lausanne
Nous étions quatre auto-stoppeurs.
Alors nous laissâmes la dame
S’exhiber seule, sans façons,
Et tous trois, parmi les buissons,
Sournoisement nous nous planquâmes.
Notre subterfuge trompeur
Valait bien le coup de la panne ;
Sur la bretelle de Lausanne
Nous étions quatre auto-stoppeurs.
Pointant nos binettes roussies
Hors des taillis, tels trois dadais,
Pour voir si le poisson mordait,
Nous entrevîmes la Farsie
S’éloignant, à notre stupeur,
À bord d’un camion de bananes.
Sur la bretelle de Lausanne
Nous étions quatre auto-stoppeurs.
Alors, jurant, emplis de rage
Par cet essai peu concluant,
Pour sortir de ce trou puant,
Nous extirpant de nos branchages
Et secouant notre torpeur,
Nous prîmes un aéroplane.
Sur la bretelle de Lausanne
Nous étions quatre auto-stoppeurs. [Lien vers ce commentaire] Déposé par Dupanloup le 5 septembre 2020 à 11h46
Quatre-vingts chasseurs
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À l’ouverture de la chasse
Dans un château riche en gibier,
Une marquise aux fins limiers
Invita des chasseurs en masse,
Bientôt l’on vit tous les chasseurs
Accourir sans mêm’ qu’on leur dise.
Au rendez-vous de la marquise
Nous étions quatre-vingts chasseurs ;
Encouragés par notre belle
Nous abattîm’s plus d’un faisan,
Quand un sanglier menaçant
Vint à s’élancer dessus elle ;
Malgré sa rage et sa fureur
Nous l’obligeâm’s à lâcher prise.
Car pour défendre la marquise
Nous étions quatre-vingts chasseurs.
Après cette attaque effroyable,
Dit la marquise, il faut rentrer,
Ce n’est pas tout de s’illustrer,
Il faut aussi manger et boire ;
En avant les vins, les liqueurs
Et la nappe était déjà mise.
À la table de la marquise
Nous étions quatre-vingts chasseurs.
Quand on eut savouré l’ champagne
Nous fûmes dispos à l’amour,
Chacun voulut, chacun son tour,
Embrasser l’aimable compagne
Nous étions tous de belle humeur
Et la belle était déjà grise
Et dans le lit de la marquise
Nous étions quatre-vingts chasseurs.
Après cette histoire mémorable
Notre marquis’ neuf mois plus tard,
Neuf mois plus tard.
Nous mit au monde un beau bâtard,
Un homme aujourd’hui redoutable
De ses jours ignorant l’auteur
Il demanda qu’on l’en instruise
Tu es, lui dit notre marquise,
Le fils de quatre-vingts chasseurs... [Lien vers ce commentaire]
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