Henri de Régnier


Ville de France


 
Le matin, je me lève, et je sors de la ville.
Le trottoir de la rue est sonore à mon pas,
Et le jeune soleil chauffe les vieilles tuiles,
Et les jardins étroits sont fleuris de lilas.
 
Le long du mur moussu que dépassent les branches,
Un écho que l’on suit vous précède en marchant,
Et le pavé pointu mène à la route blanche
Qui commence au faubourg et s’en va vers les champs.
 
Et me voici bientôt sur la côte gravie
D’où l’on voit, au soleil et couchée à ses pieds,
Calme, petite, pauvre, isolée, engourdie,
La ville maternelle aux doux toits familiers.
 
Elle est là, étendue et longue. Sa rivière
Par deux fois, en dormant, passe sous ses deux ponts ;
Les arbres de son mail sont vieux comme les pierres
De son clocher qui pointe au-dessus des maisons.
 
Dans l’air limpide, gai, transparent et sans brume
Elle fait un long bruit qui monte jusqu’à nous :
Le battoir bat le linge et le marteau l’enclume,
Et l’on entend des cris d’enfants, aigres et doux...
 
Elle est sans souvenirs de sa vie immobile,
Elle n’a ni grandeur, ni gloire, ni beauté ;
Elle n’est à jamais qu’une petite ville ;
Elle sera pareille à ce qu’elle a été.
 
Elle est semblable à ses autres sœurs de la plaine,
À ses sœurs des plateaux, des landes et des prés ;
La mémoire, en passant, ne retient qu’avec peine.
Parmi tant d’autres noms, son humble nom français ;
 
Et pourtant, lorsque, après un de ces longs jours graves
Passés de l’aube au soir à marcher devant soi,
Le soleil disparu derrière les emblaves
Assombrit le chemin qui traverse les bois ;
 
Lorsque la nuit qui vient rend les choses confuses
Et que sonne la route dure au pas égal,
Et qu’on écoute au loin le gros bruit de l’écluse,
Et que le vent murmure aux arbres du canal ;
 
Quand l’heure, peu à peu, ramène vers la ville
Ma course fatiguée et qui va voir bientôt
La première fenêtre où brûle l’or de l’huile
Dans la lampe, à travers la vitre sans rideau,
 
Il me semble, tandis que mon retour s’empresse
Et tâte du bâton les bornes du chemin,
Sentir, dans l’ombre, près de moi, avec tendresse,
La patrie aux doux yeux qui me prend par la main.
 

La Sandale ailée

Commentaire (s)
Déposé par Roger COURTOIS le 23 octobre 2022 à 14h20

Cette poésie si paisible ressuscite tout à coup ce que me déclamait ma mère, il y plus de ... 70 ans ! Merci.

[Lien vers ce commentaire]


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Αssоuсу : «Ρоurquоi dоnс, Sехе аu tеint dе rоsе...»

Viоn Dаlibrау : «Αimе, si tu lе vеuх, је nе l’еmpêсhе pаs...»

Βоurgеt : Lа Rоmаnсе d’Αriеl

Rоussеаu : Lе Rоssignоl еt lа Grеnоuillе

Αpоllinаirе : Lе Drоmаdаirе

Соignаrd : «Οbsсurе nuit, lаissе tоn nоir mаntеаu...»

Lаfоrguе : Βоufféе dе printеmps

Τоulеt : «Si vivrе еst un dеvоir...»

Ρéguу : Ρrésеntаtiоn dе lа Βеаuсе à Νоtrе-Dаmе dе Сhаrtrеs

☆ ☆ ☆ ☆

Hugо : «Jеunеs gеns, prеnеz gаrdе аuх сhоsеs quе vоus ditеs...»

Τhаlу : L’Îlе lоintаinе

Vеrlаinе : L’Αubеrgе

Vеrlаinе : À Hоrаtiо

Соrnеillе : Sоnnеt : «Dеuх sоnnеts pаrtаgеnt lа villе...»

Fоurеst : Sаrdinеs à l’huilе

Sullу Ρrudhоmmе : Lеs Сhаînеs

Ρоnсhоn : Lе Gigоt

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur Lе Fаunе (Rоуèrе)

De Сurаrе- sur «Τоut n’еst plеin iсi-bаs quе dе vаinе аppаrеnсе...» (Vаlléе dеs Βаrrеаuх)

De Сосhоnfuсius sur Un Fаntômе (Βаudеlаirе)

De Сосhоnfuсius sur «Αimе, si tu lе vеuх, је nе l’еmpêсhе pаs...» (Viоn Dаlibrау)

De Ιоhаnnеs sur Ρrièrе dе соnfidеnсе (Ρéguу)

De Сurаrе- sur Lеs Fеuillеs mоrtеs (Gоurmоnt)

De Lilith sur Vеrlаinе

De Μоntеrrоsо sur Lа Μоuсhе (Αpоllinаirе)

De Jаdis sur Саrоlо Quintо impеrаntе (Hеrеdiа)

De Сurаrе- sur Sоnnеt : «Un livrе n’аurаit pаs suffi...» (Ρrivаt d'Αnglеmоnt)

De Τrуphоn Τоurnеsоl sur À unе mуstériеusе (Rоllinаt)

De Αlbаtrосе sur «Dоuсе plаgе оù nаquit mоn âmе...» (Τоulеt)

De Gеf sur À Μ. Α. Τ. : «Αinsi, mоn сhеr аmi, vоus аllеz dоnс pаrtir !...» (Μussеt)

De Gеf sur Villеs : «Се sоnt dеs villеs !...» (Rimbаud)

De Jаdis sur Τаblеаu (Сrоs)

De Βibоsаurе sur À Αlf. Τ. : «Qu’il еst dоuх d’êtrе аu mоndе, еt quеl biеn quе lа viе !...» (Μussеt)

De Βоurg sur «Lоngtеmps si ј’аi dеmеuré sеul...» (Τоulеt)

De Jаdis sur Épigrаmmе d’аmоur sur sоn nоm (Αubеspinе)

De Ιsis Μusе sur Lа grоssе dаmе сhаntе... (Ρеllеrin)

De Dаmе dе flаmmе sur Сhаnsоn dе lа mélаnсоliе (Fоrt)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе