Si je trépasse entre tes bras, Madame,
Il me suffit, car je ne veux avoir
Plus grand honneur, sinon que de me voir
En te baisant, dans ton sein rendre l’âme.
Celui que Mars horriblement enflamme
Aille à la guerre, et manque de pouvoir,
Et jeune d’ans, s’ébatte à recevoir
En sa poitrine une Espagnole lame ;
Mais moi, plus froid, je ne requiers, sinon
Après cent ans, sans gloire, et sans renom,
Mourir oisif en ton giron, Cassandre.
Car je me trompe, ou c’est plus de bonheur,
Mourir ainsi, que d’avoir tout l’honneur,
Pour vivre peu, d’un guerrier Alexandre.
Les Amours, 1553
Commentaire (s)
Déposé par Jadis le 9 décembre 2019 à 08h50
Oui, j’avais résolu, je vous l’avoue, Madame,
Dans l’espoir ingénu de mieux vous émouvoir,
Que pour vous mon amour s’en allât concevoir
Une ode, un madrigal, ou quelque épithalame.
C’était un beau dessein et un vaste programme ;
Le poème serait sublime, on l’allait voir,
Et j’entendais déjà vos louanges pleuvoir :
Vous l’avez calciné, Madame, au lance-flammes.
C’est bien me démener pour des prunes, crénom !
Recevoir en retour grimaces de guenon
Qui de ma lyre vient médire pis que pendre !
Si vous gausser de moi fait tout votre bonheur,
Vous pouvez bien garder vos grands airs ricaneurs :
Vous n’êtes qu’une laide et sotte scolopendre.