Saint-Pol-Roux(1861-1940) D’autrеs pоèmеs :Ρоpulаirе еt sуmbоliquе histоirе dе lа Vасhе еnrаgéе Сhаnsоn dе funérаillеs аmоurеusеs оu еncоrе :
|
Saint-Pol-RouxLes Féeries intérieures, 1907 ![]() À Henri de Régnier.
Sous les tuiles sanguinolentes du Marché de mon bourg — pyramidale carapace que supportent quatre piliers chamarrés d’ognons, d’ails, de tayoles et de foulards criards — un Saltimbanque érigea ses tréteaux.
Au fond à gauche, à droite du haut sol de planches que fouleront les Bizarres bariolés comme des oiseaux précieux ou des batraciens magiques, une toile enfantinement peinte s’éploie, sur laquelle : une princesse Naine épousant un Roi Géant ; un Explorateur en houppelande bleu barbeau, et sous le bras un jaune parapluie, engoulé par un crocodile couleur d’herbe tendre ; un Peau-Rouge qui se débat dans la colique abominable d’un reptile aux écailles d’huîtres, et autres parodies d’épouvante.
Devant l’estrade, deux musiciens déments. L’un tape à coups redoublés sur un âne métamorphosé en tambour, l’autre, m’évoquant une dérisoire caricature de saint Jean Chrysostôme, avance et ramène de grandes lèvres de cuivre : une sonore grêle de rayons de soleil méridional dégringole du métallique pavillon, et ce trombone qui brait complémente le tambour.
Maintenant sur les pierres réelles, un troupeau de Simples en blouse, figés dans l’extase, sans haleine, avec le cœur qui caprique à s’esquiver par l’ombreux losange de la bouche, contemple les bateleurs afficher leur fantastique besogne aux cabrioles éblouissantes...
Je me pris à penser que ces manifestations extraordinaires, les Simples les devaient chérir comme étant sans doute l’estampe finie de l’infini, la géométrie visible de l’invisible, la pantomime perceptible du mystère, la divulgation des hiéroglyphes, la démonstration présumable ou suggestive des théorèmes rebelles à leurs malingres cervelles, autrement dit le spectacle à prix facile des difficultés à acquérir, la dive Thulé du rêve inopinément mise à la merci du profane, l’impossible entrevu, l’au-delà cadastré, l’absolu monétisé ; j’en vins à inférer que la foule se délectait devant la fatigue évidemment douloureuse des jongleurs et des gymnasiarques devenue le repos final et la joie de son être n’ayant, pour sa propre et victorieuse satisfaction, qu’à regarder superficiellement.
Puis :
— Ces Simples, clos en le vallon du contingent parmi la même heure de leur banale vie, ronronnai-je, ces habitants du présent transitoire ne peuvent décemment goûter les fruits de ma raison point assez de leur âge puisqu’elle participe de toujours, vassale à la fois de l’avenir et du passé : vigile et lendemain féconds du moment aride. Les yeux et les oreilles uniques de leur corps frôlent béants, sans la voir ni l’entendre, mon énigme seulement accessible aux capables sens d’un esprit subtil, dévotieux et servi par cette fiancée du génie, la compréhension. Que si même je tentais de l’inviter à me connaître, certes la multitude éviterait ma lèpre divine. Il appert donc que la Charité, légitime clarté du poète, si douce au passant qui devine la désintéressée vertu de l’aumône, épouvante le philistin lâchement fier, l’œil de la peur voyant rugir un sac de charbons où sourit un sac de diamants. L’annonciateur de bonne nouvelle inspire la défiance aux prisonniers des dogmes coutumiers, et ce sage paraît malin, hideux, illogique : un fantôme !
Sur l’estrade goguenardait un paillasse. Le clavecin de sa frimousse exprimait la gamme des grimaces ; l’histrionne bouche s’étoilait en cul de poule ou bien se cornait jusqu’aux oreilles, de telles manières que les Simples, maquillés par le graduel arc-en-ciel du rire, virevoltaient dans l’ouragan des singeries.
À part moi, je continuai : — L’incompris, somme toute, est l’ennemi. Raisons raisonnables un peu, vraiment, car nous sommes, eux l’immédiate patrie, moi l’exil. À chaque abord je leur figure celui qui revient d’une terre surnaturelle, masqué d’un idiome surhumain ; aussi ma bonne nouvelle se stérilise-t-elle sur leurs sables inhospitaliers : je suis la Voix, mais ils sont le Désert.
Agilant à travers le vide, une danseuse de corde à la mise de libellule faisait maintenant aboyer d’émerveillement les mains calleuses — quand une lumière prompte, inspiratrice, m’envahit. J’avais trouvé le terrain de traduction sur lequel on pourrait s’entendre.
M’allant réfugier sous les tréteaux, dans une obscurité propice aux enchantements, j’enjoignis, avec l’impérieuse volonté d’un dieu, j’enjoignis à mon Âme d’apparaître, — d’être.
Soudain jaillit de ma tour d’argile une Fille fabuleuse ! Ma sagesse lui tenait lieu de beauté, mes passions vivifiaient de vérité sa forme ; et si parfaite était l’image vivante que je la crus chaussée d’écume amère. Vite je l’entraînai derrière la toile enfantinement peinte. Un costume émanant, aurore de tulle, d’une malle entrouverte, j’en revêtis mon Âme, puis je jetai la psyché, comme une poignée de fortune, sur les planches libres. À son apparition, l’exclamation de la foule fut un silence formidable.
Alors mon Âme, par un jeu d’une séraphique prestesse, par des tours en quelque sorte résolus avec des membres de brise, se traduit, se définit, se révèle aux yeux des Simples pantelant devant l’adamantine saltation comme s’ils avaient été subitement penchés sur un puits de trésors. C’est (de par l’héréditaire et commun trucheman, le signe, à la portée des intelligences brèves) un kaléidoscope où, dans une interprétation fidèle, l’essence se formule, la transcendance s’accessibilise, l’abîme se praticabilise, les idées se figurativent. Chaque pirouette, chaque arabesque massive est l’équivalence exotérique de l’ésotérisme translaté ; chaque geste, ainsi que tracé par la blanche craie sur l’ardoise noire, est le relief adéquat et spontané d’une abstraction ; et cela fait songer à l’Idée Première que divulguera l’alphabet, tôt ou tard déchiffré, des étoiles intermédiaires. En un clin d’œil, mille aigles de vent métaphysique sont retenus, englués par le gel du formel dessin aux lignes miraculeuses. Ainsi mon Âme difficile, à travers cette trame de phénomènes faciles, se vulgarise sous l’artifice d’une transposition familière aux Simples dont tout l’être ensorcelé se tient, attentif, au seuil des cils ; et, moyennant ce commentaire à l’usage de leur compréhension relative, voilà qu’ils déclarent axiome charitable et nécessaire ma nature auparavant négligeable et proscrite. Tel est le succès que, cette Âme honnie de toute la brutalité de leur ignorance, les Simples à présent la désirent et pieusement la glorifient : de chaque spectateur essorent d’admiratives fleurs à tiges longues allant caresser et bénir la prestigieuse. Les mains rudes ont des louanges de cymbales tandis que, sur l’estrade, la psyché souple effeuille son algèbre révélatrice...
Enfin les Simples clamèrent, ivres de génuflexions : — Assez, de grâce, Fille rare !... Déjà nous titubons, et tant ardent est notre enthousiasme qu’il va nous consumer si ne cessent tes merveilles !...
Exorable, mon Âme salua la multitude en délire et, munie d’une assiette de faïence, elle descendit faire l’ordinaire quête avec l’idée matérielle d’évaluer son apothéose. Or, afin de suffisamment défrayer l’Icône, afin aussi de ne rien plus voir désormais, les Simples désenchâssèrent leurs yeux et bellement les mirent dans l’assiette tendue. Puis, à la merci des bâtons, les Simples s’éparpillèrent, — ma vision dans leur mémoire.
Saint-Henry, 1888.
|
Mon florilège(Tоuriste) (Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.) Compte lecteurAgoraÉvаluations récеntes☆ ☆ ☆ ☆ ☆Νuуsеmеnt : «Lа Νаturе а dоnné lеs соrnеs аuх Τаurеаuх...» Du Βеllау : «Quiсоnquе, mоn Βаillеul, fаit lоnguеmеnt séјоur...» Μussеt : Αu lесtеur dеs dеuх vоlumеs dе vеrs dе l’аutеur Lе Vаvаssеur : Lеs Сhаts Vеrlаinе : «Lеs pаssаgеs Сhоisеul аuх оdеurs dе јаdis...» Αpоllinаirе : Ρауsаgе Νеrvаl : Εl Dеsdiсhаdо Τоulеt : «Hеurеuх qui mеurt сhаrgé d’аnnéеs...» Vеrlаinе : «Βоn сhеvаliеr mаsqué qui сhеvаuсhе еn silеnсе...» Klingsоr : Εnvоi ☆ ☆ ☆ ☆Μаеtеrlinсk : Rоndе d’еnnui Αllаis : Lе Jеunе Hоmmе sаns sоin еt, dе plus, irrеspесtuеuх Βаudеlаirе : Lе Vin dеs Сhiffоnniеrs Βаudеlаirе : Lе Gоût du Νéаnt Vеrlаinе : «J’аi dit à l’еsprit vаin, à l’оstеntаtiоn...» Jасоb : Fаblе sаns mоrаlité Sсhwоb : Lе Viеuх dit : Cоmmеntaires récеntsDe Сосhоnfuсius sur «Lа Νаturе а dоnné lеs соrnеs аuх Τаurеаuх...» (Νuуsеmеnt) De Сосhоnfuсius sur «Jе sаis biеn qu’оn dirа quе је suis témérаirе...» (Βirаguе) De Сосhоnfuсius sur Ρеndаnt lа Τеmpêtе (Gаutiеr) De Jаdis sur Lеs Сhаts (Lе Vаvаssеur) De Сurаrе_ sur Sоnnеt : «Quаnd је rеpоsеrаi dаns lа fоssе, trаnquillе...» (Gоudеаu) De Сurаrе_ sur Lе Τоmbеаu dе Сhаrlеs Βаudеlаirе (Μаllаrmé) De Jаdis sur «Lеs pаssаgеs Сhоisеul аuх оdеurs dе јаdis...» (Vеrlаinе) De Jаdis sur «Jе pеnsеrаi plutôt lа mеr nоn vаriаblе...» (Ρаpillоn dе Lаsphrisе) De Vinсеnt sur Τоmbеаu du Ρоètе (Dеubеl) De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt) De Lа Μusеrаntе sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs) De Vinсеnt sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе) De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd) De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе) De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt) De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе) De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе) De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud) De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе) De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе) De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt) Plus de commentaires...Ce sitePrésеntаtionCоntactSоutien![]() |
![]() |