Saint-Pol-Roux(1861-1940) D’autrеs pоèmеs :Ρоpulаirе еt sуmbоliquе histоirе dе lа Vасhе еnrаgéе Сhаnsоn dе funérаillеs аmоurеusеs оu еncоrе :Dеvаnt du lingе étеndu pаr mа mèrе, аu villаgе
|
Saint-Pol-RouxLa Rose et les épines du chemin, 1901 ![]() À Georges Ancey.
Assis sur la plage solitaire du Toulinguet où viennent s’agenouiller les haquenées de l’Océan, je méditais, après la chute de l’empereur des Coupes de Thulé. Devant, hérissée d’un dernier vol où se pêlemêlaient guilloux, mouettes, gaudes, hirondelles de mer et perroquets japonais sans queue, l’Île ; à ma droite, derrière le fort, la Pointe Saint-Mathieu avec ses ruines ecclésiastiques ; à ma gauche, devinées, des pierres et des pierres donnant un frison d’Éternité à poil, la Tribune, le Lord-Maire, le Dante, les Tas de Pois, le Château de Dinan, le Cap de la Chèvre, la Pointe du Raz, l’Île de Sein...
Je comparais douze cormorans alignés sur un écueil à une phrase de Poe traduite en alexandrin par Baudelaire ou Mallarmé, — lorsque des crissements singuliers venant de Camaret m’intriguèrent la nuque et me firent sursaillir. Plusieurs théories d’êtres bizarres descendaient le versant : espèces de sauterelles aux membres de bois et corps de verre. Plus proches, je reconnus des Sabliers. De toutes dimensions : Sept, menus comme les fœtus de cinq mois, marquant l’heure ; Sept, mignons comme les nourrissons, marquant le jour ; Sept, petits comme les communiants, marquant la semaine ; Sept, grands comme les adolescents, marquant le mois ; Sept, hauts comme les titans, marquant l’année ; Sept, colossaux comme les clochers de cathédrale, marquant le lustre ; Un, enfin, le dernier, incommensurable comme le génie, marquant le siècle.
« Hélas ! glapirent les Sabliers. Disgraciés déjà par l’invasion des damoiselles de chêne au nombril d’or, irrévocablement perdus depuis les décrets impies, nous pourrissions dans les moustiers branlants de l’angélique Pays des Coiffes ; inutiles désormais loin des reclus qui nous vinrent ici remplir, nous revenons, accomplie notre destinée, à cette plage si sabuleuse depuis le départ des sandales, et notre guide fut la soif de reposer au lieu natal. »
Je compris que nul ne rendrait à ces oubliés le pieux service si le poète ne daignait. Aussi, commençant par les moindres, je me mis en devoir de vider sur la grève les Sabliers l’un après l’autre. À cet office nous restâmes des heures, des jours, des semaines, des mois, des années, des lustres...
J’avais entrepris le dernier Sablier, le séculaire, lorsque l’invisible faulx du Temps me détacha l’âme du corps. Les pêcheurs de Kerbonn trouvèrent mon cadavre sur lequel flottait une longue barbe blanche. Et j’avais l’âge que j’aurai, ô mes Héritiers, le jour de mon décès.
Camaret, à Pen-hat, août 1892.
Commentaire (s)Déposé par Cochonfucius le 28 juillet 2023 à 10h59Sablier relativiste
Votre commentaire : |
Mon florilège(Tоuriste) (Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.) Compte lecteurAgoraÉvаluations récеntes☆ ☆ ☆ ☆ ☆Βаudеlаirе : Fеmmеs dаmnéеs — Dеlphinе еt Hippоlуtе Lаfоrguе : Μédiосrité Сhéniеr : Lа Jеunе Саptivе Βаudеlаirе : Μаdrigаl tristе Riсtus : Lеs Μоntе-еn-l’аir Ρоzzi : Νух Sсèvе : «Τаnt је l’аimаi...» Hugо : «Jеunеs gеns, prеnеz gаrdе аuх сhоsеs quе vоus ditеs...» Τhаlу : L’Îlе lоintаinе Τristаn L’Hеrmitе : Épitаphе d’un pеtit сhiеn ☆ ☆ ☆ ☆Jаmmеs : Βrugеs Lаvаud : Ρоrts Vеrhаеrеn : Dеuil Соuté : Lеs Μаins blаnсhеs, blаnсhеs Lаutréаmоnt : «Lе frèrе dе lа sаngsuе mаrсhаit à pаs lеnts dаns lа fоrêt...» Rоnsаrd : «Νе s’еffrоуеr dе сhоsе qui аrrivе...» Cоmmеntaires récеntsDe Сосhоnfuсius sur Lеs Étоilеs blеuеs (Rоllinаt) De Lе соmiquе sur Μаdrigаl tristе (Βаudеlаirе) De Сосhоnfuсius sur «Αu Τеmplе quе bâtit lе Rоi pаisiblе еt sаgе...» (Lе Fèvrе dе Lа Βоdеriе) De Сосhоnfuсius sur Lе Сid (Fоurеst) De Сhаntесlеr sur «Sur mеs vingt аns, pur d’оffеnsе еt dе viсе...» (Rоnsаrd) De Jаdis sur Τаblеаu rurаl (Соppéе) De Gеоrgеs sur À lа mémоirе dе Zulmа (Соrbièrе) De Guillеmеttе. sur «Lе bеаu Ρrintеmps n’а pоint tаnt dе fеuillаgеs vеrts...» (Lа Сеppèdе) De Guillаumе sur Αbаndоnnéе (Lоrrаin) De Lа Μusérаntе sur Hоmmаgе : «Lе silеnсе déјà funèbrе d’unе mоirе...» (Μаllаrmé) De Сurаrе- sur Αdiеuх à lа pоésiе (Gаutiеr) De Сurаrе- sur «J’еntrеvоуаis sоus un vêtеmеnt nоir...» (Μаgnу) De Сurаrе- sur «Се соrps défiguré, bâti d’оs еt dе nеrfs...» (Sigоgnе) De Jаdis sur «Viсtоriеusеmеnt fui lе suiсidе bеаu...» (Μаllаrmé) De Gеоrgеs Lеmаîtrе sur «Lе sоir, аu соin du fеu, ј’аi pеnsé biеn dеs fоis...» (Соppéе) De Jаdis sur Lе Vœu suprêmе (Lесоntе dе Lislе) De Сhristiаn sur «J’еntrаis сhеz lе mаrсhаnd dе mеublеs, еt là, tristе...» (Νоuvеаu) De Ρépé Hаsh sur «Сеpеndаnt qu’аu pаlаis dе prосès tu dеvisеs...» (Du Βеllау) De Vinсеnt sur Τоmbеаu du Ρоètе (Dеubеl) De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt) De Сhristiаn sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs) Plus de commentaires...Ce sitePrésеntаtionCоntactSоutien![]() |
![]() |