Sainte-Beuve

Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme


Promenade


 

    ..... Sylvas inter reptare salubres.
Horace.


    Reptare per limitem.
Pline le Jeune.


S’il m’arrive un matin et par un beau soleil
De me sentir léger et dispos au réveil,
Et si, pour mieux jouir des champs et de moi-même,
De bonne heure je sors pour le sentier que j’aime,
Rasant le petit mur jusqu’au coin hasardeux,
Sans qu’un fâcheux m’ait dit : « Mon cher, allons tous deux ; »
Lorsque sous la colline, au creux de la prairie,
Je puis errer enfin, tout à ma rêverie,
Comme loin des frelons une abeille à son miel,
Et que je suis bien seul en face d’un beau ciel ;
Alors... oh ! ce n’est pas une scène sublime,
Un fleuve résonnant, des forêts dont la cime
Flotte comme une mer, ni le front sourcilleux
Des vieux monts tout voûtés se mirant aux lacs bleus !
Laissons Chateaubriand, loin des traces profanes,
À vingt ans s’élancer en d’immenses savanes,
Un bâton à la main, et ne rien demander
Que d’entendre la foudre en longs éclats gronder,
Ou mugir le lion dans les forêts superbes,
Ou sonner le serpent au fond des hautes herbes ;
Et bientôt, se couchant sur un lit de roseaux,
S’abandonner pensif au cours des grandes eaux.
Laissons à Lamartine, à Nodier, nobles frères,
Leur Jura bien-aimé, tant de scènes contraires
En un même horizon, et des blés blondissants,
Et des pampres jaunis, et des bœufs mugissants,
Pareils à des points noirs dans les verts pâturages,
Et plus haut, et plus près du séjour des orages,
Des sapins étagés en bois sombre et profond,
Le soleil au-dessus et les Alpes au fond.
Qu’aussi Victor Hugo, sous un donjon qui croule,
Et le Rhin à ses pieds, interroge et déroule
Les souvenirs des lieux ; quelle puissante main
Posa la tour carrée au plein cintre romain,
Ou quel doigt amincit ces longs fuseaux de pierre,
Comme fait son fuseau de lin la filandière ;
Que du fleuve qui passe il écoute les voix,
Et que le grand vieillard lui parle d’autrefois !
Bien ; il faut l’aigle aux monts, le géant à l’abîme,
Au sublime spectacle un spectateur sublime.
Moi, j’aime à cheminer et je reste plus bas.
Quoi ! des rocs, des forêts, des fleuves ?... oh ! non pas,
Mais bien moins ; mais un champ, un peu d’eau qui murmure,
Un vent frais agitant une grêle ramure ;
L’étang sous la bruyère avec le jonc qui dort ;
Voir couler en un pré la rivière à plein bord ;
Quelque jeune arbre au loin, dans un air immobile,
Découpant sur l’azur son feuillage débile ;
À travers l’épaisseur d’une herbe qui reluit,
Quelque sentier poudreux qui rampe et qui s’enfuit ;
Ou si, levant les yeux, j’ai cru voir disparaître
Au détour d’une haie un pied blanc qui fait naître
Tout d’un coup en mon âme un long roman d’amour...,
C’est assez de bonheur, c’est assez pour un jour.
Et revenant alors, comme entouré d’un charme,
Plein d’oubli, lentement, et dans l’œil une larme,
Croyant à toi, mon Dieu, toi que j’osais nier !
Au chapeau de l’aveugle apportant mon denier,
Heureux d’un lendemain qu’à mon gré je décore,
Je sens et je me dis que je suis jeune encore,
Que j’ai le cœur bien tendre et bien prompt à guérir,
Pour m’ennuyer de vivre et pour vouloir mourir.
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Jаmmеs : Lеs Dimаnсhеs

Ρrivаt d’Αnglеmоnt : À unе јеunе Sаltimbаnquе

Τоulеt : «Νаnе, аs-tu gаrdé sоuvеnir...»

Ρеllеrin : L’Αutоbus ivrе

Hаrаuсоurt : «Ιl plеut sur lа mеr, lеntеmеnt...»

Νuуsеmеnt : «Lа Νаturе а dоnné lеs соrnеs аuх Τаurеаuх...»

Du Βеllау : «Quiсоnquе, mоn Βаillеul, fаit lоnguеmеnt séјоur...»

Μussеt : Αu lесtеur dеs dеuх vоlumеs dе vеrs dе l’аutеur

Lе Vаvаssеur : Lеs Сhаts

Vеrlаinе : «Lеs pаssаgеs Сhоisеul аuх оdеurs dе јаdis...»

☆ ☆ ☆ ☆

Jаmmеs : Lеs Dimаnсhеs

Jаmmеs : Αvес lеs pistоlеts

Dеsbоrdеs-Vаlmоrе : Lоin du mоndе

Rimbаud : Jеunе ménаgе

Jаmmеs : Lа fеrmе étаit luisаntе

Μаеtеrlinсk : Rоndе d’еnnui

Αllаis : Lе Jеunе Hоmmе sаns sоin еt, dе plus, irrеspесtuеuх

Βаudеlаirе : Lе Vin dеs Сhiffоnniеrs

Cоmmеntaires récеnts

De Сurаrе- sur «Сеpеndаnt qu’аu pаlаis dе prосès tu dеvisеs...» (Du Βеllау)

De Сосhоnfuсius sur Αllégоriе : «Un très viеuх tеmplе аntiquе s’éсrоulаnt...» (Vеrlаinе)

De Сосhоnfuсius sur «J’аimе lе vеrt lаuriеr, dоnt l’hivеr ni lа glасе...» (Jоdеllе)

De Jаdis sur «Jе nе suis pоint се Diеu qui plеin dе fоllе rаgе...» (Νuуsеmеnt)

De Сосhоnfuсius sur Lа Rimе riсhе (Αutrаn)

De Jаdis sur Lеs Сhаts (Lе Vаvаssеur)

De Сurаrе_ sur Sоnnеt : «Quаnd је rеpоsеrаi dаns lа fоssе, trаnquillе...» (Gоudеаu)

De Сurаrе_ sur Lе Τоmbеаu dе Сhаrlеs Βаudеlаirе (Μаllаrmé)

De Jаdis sur «Lеs pаssаgеs Сhоisеul аuх оdеurs dе јаdis...» (Vеrlаinе)

De Vinсеnt sur Τоmbеаu du Ρоètе (Dеubеl)

De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt)

De Lа Μusеrаntе sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs)

De Vinсеnt sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd)

De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt)

De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе)

De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе