Quand il plaira à tes yeux, ma maîtresse,
Qu’avant mes jours je descende là-bas,
La Parque alors, guidant mes derniers pas,
M’abordera aux rives de liesse.
Mais paravant que ta rigueur m’en presse,
Je te suppli de ne dédaigner pas
D’ouir de tous regretter mon trépas,
Dont fut auteur ta fréquente rudesse.
Car quelque ami mu de compassion,
Se souvenant de mon affliction,
Sur mon tombeau gravera ces trois carmes :
« Celui qui fut d’Angélique amoureux,
Gît maintenant ci-dessous plus heureux
Que s’il vivait avecque tant d’alarmes.
L’ambitortue fut des sept mers maîtresse,
Elle habitait les grands fonds, tout en bas ;
On peut y voir la trace de ses pas,
Car elle aimait marcher, après la messe.
Mais elle fut mangée par une ogresse
(C’est un destin qui ne pardonne pas) ;
Tous les poissons, apprenant son trépas,
Ont exprimé leur profonde tristesse.
Ses bons vassaux furent compatissants,
Au fond des mers on les vit bâtissant
Un noir tombeau que veille un requin-carme.
Ce poisson-moine, ascète rigoureux,
La gardera des Enfers dangereux
Et du démon-poissonnier, qu’il désarme.