Libre vivais en l’Avril de mon âge,
De cure exempt sous celle adolescence,
Où l’œil, encor non expert de dommage,
Se vit surpris de la douce présence,
Qui par sa haute, et divine excellence
M’étonna l’Âme, et le sens tellement,
Que de ses yeux l’archer tout bellement
Ma liberté lui a toute asservie :
Et dès ce jour continuellement
En sa beauté gît ma mort, et ma vie.
Si je médite, au seuil de mon grand âge,
Si je revois ma folle adolescence :
Tant de chemins parcourus sans dommage,
Mon coeur éprouve une exquise plaisance
En évoquant cette ancienne existence.
Je n’écrivais alors pas tellement,
Mais, par les soirs, je songeais bellement ;
Mon âme était fort loin d’être asservie,
Ou bien l’était si naturellement
Que lui semblait être libre sa vie.