Verlaine

Sagesse, 1880



Parisien, mon frère à jamais étonné,
Montons sur la colline où le soleil est né
Si glorieux qu’il fait comprendre l’idolâtre,
Sous cette perspective inconnue au théâtre,
D’arbres au vent et de poussière d’ombre et d’or.
Montons. Il fait si frais encor, montons encor.
Là ! nous voilà placés comme dans une « loge
De face » ; et le décor vraiment tire un éloge :
La cathédrale énorme et le beffroi sans fin,
Ces toits de tuile sous ces verdures, le vain
Appareil des remparts pompeux et grands quand même,
Ces clochers, cette tour, ces autres, sur l’or blême
Des nuages à l’ouest réverbérant l’or dur
De derrière chez nous, tous ces lourds joyaux sur
Ces ouates, n’est-ce pas, l’écrin vaut le voyage,
Et c’est ce qu’on peut dire un brin de paysage ?
— Mais descendons, si ce n’est pas trop abuser
De vos pieds las, à fin seule de reposer
Vos yeux qui n’ont jamais rien vu que de Montmartre,
— « Campagne » vert de plaie et ville blanc de dartre.
(Et les sombres parfums qui grimpent de Pantin !)
Donc, par ce lent sentier de rosée et de thym,
Cheminons vers la ville au long de la rivière,
Sous les frais peupliers, dans la fine lumière.
L’une des portes ouvre une rue, entrons-y.
Aussi bien, c’est le point qu’il faut, l’endroit choisi :
Si blanches, les maisons anciennes, si bien faites,
Point hautes, çà et là des branches sur leurs faîtes,
Si doux et sinueux le cours de ces maisons,
Comme un ruisseau parmi de vagues frondaisons,
Profilant la lumière et l’ombre en broderies
Au lieu du long ennui de vos haussmanneries,
Et si gentil l’accent qui confine au patois
De ces passants naïfs avec leurs yeux matois !...
Des places ivres d’air et de cris d’hirondelles,
Où l’Histoire proteste en formules fidèles
À la crête des toits comme au fer des balcons :
Des portes ne tournant qu’à regret sur leurs gonds,
Jalouses de garder l’honneur et la famille...
Ici tout vit et meurt calme, rien ne fourmille,
Le « Théâtre » fait four, et ce dieu des brouillons,
Le « Journal » n’en est plus à compter ses bouillons.
L’amour même prétend conserver ses noblesses
Et le vice se gobe en de rares drôlesses.
Enfin rien de Paris, mon frère, « dans nos murs »,
Que les modes... d’hier, et que les fruits bien mûrs
De ce fameux Progrès que vous mangez en herbe.
Du reste on vit à l’aise. Une chère superbe,
La raison raisonnable et l’esprit des aïeux,
Beaucoup de sain travail, quelques loisirs joyeux,
Et ce besoin d’avoir peur de la grande route !...
Avouez, la province est bonne, somme toute,
Et vous regrettez moins que tantôt la « splendeur »
Du vieux monstre, et son pouls fébrile, et cette odeur !
   

Arras, 77.

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Lаfоrguе : Splееn : «Τоut m’еnnuiе аuјоurd’hui. J’éсаrtе mоn ridеаu...»

Hugо : Βооz еndоrmi

Μаllаrmé : Αmiеs

Fоrt : Lа Grеnоuillе blеuе

Μilоsz : Sоlitudе

Lаmаndé : Βаtifоlаgе

Lеvеу : Jаpоn — Νаgаsаki

Lеvеу : Сôtе d’Αzur — Νiсе

Hugо

Ρéguу : L’Αvеuglе

☆ ☆ ☆ ☆

Vеrlаinе : Unе grаndе dаmе

Lесоntе dе Lislе : Sûrуâ

Rоllinаt : L’Αmаntе mасаbrе

Vеrlаinе : «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...»

Rimbаud : Αlсhimiе du vеrbе

Hуspа : Lеs Éléphаnts

Lоrrаin : Débutаnt

Lе Fèvrе dе Lа Βоdеriе : «Diеu qui еst Un еn Τrоis, pаr pоids, nоmbrе, еt mеsurе...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur Du Rоi Hеnri аu соmmеnсеmеnt dе sоn règnе (Sаint-Gеlаis)

De Jаdis sur Ιl fеrа lоngtеmps сlаir се sоir... (Νоаillеs)

De Сосhоnfuсius sur À Μаdаmе *** : «Jеunе аngе аuх dоuх rеgаrds, à lа dоuсе pаrоlе...» (Μussеt)

De Jаdis sur L’Αmоur (Νоаillеs)

De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Jаdis sur Rеmоntrаnсе à un Ρоètе buvеur d’еаu (Соllеtеt)

De Сосhоnfuсius sur À unе Dаmе сréоlе (Βаudеlаirе)

De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt)

De Сurаrе- sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе)

De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)

De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt)

De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу)

De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin)

De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs)

De Τristаn Βеrnаrd sur Lеs Соnquérаnts (Hеrеdiа)

De Lа Μusérаntе sur Sоnnеt dе Ρоrсеlаinе (Viviеn)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе