Théophile de Viau


À Monsieur du Fargis


 
Je ne m’y puis résoudre, excuse-moi de grâce,
Écrivant pour autrui je me sens tout de glace ;
Je te promis, chez toi, des vers pour un Amant
Qui se veut faire aider à peindre son tourment ;
Mais pour lui satisfaire, et bien peindre sa flamme,
Je voudrais par avant avoir connu son âme.
Tu sais bien que chacun a des goûts tout divers,
Qu’il faut à chaque esprit une sorte de vers,
Et que pour bien ranger le discours et l’étude,
En matière d’amour je suis un peu trop rude :
Il faudrait comme Ovide avoir été piqué ;
On écrit aisément ce qu’on a pratiqué.
Et je te jure ici sans faire le farouche,
Que de ce feu d’amour aucun trait ne me touche ;
Je n’entends point les lois, ni les façons d’aimer,
Ni comment Cupidon se mêle de charmer :
Cette divinité des Dieux même adorée,
Ces traits d’or et de plomb, cette trousse dorée,
Ces ailes, ces brandons, ces carquois, ces appas,
Sont vraiment un mystère où je ne pense pas.
La sotte antiquité nous a laissé des fables
Qu’un homme de bon sens ne croit point recevables ;
Et jamais mon esprit ne trouvera bien sain
Celui-là qui se paît d’un fantôme si vain,
Qui se laisse emporter à des confus mensonges,
Et vient même en veillant s’embarrasser de songes.
Le vulgaire qui n’est qu’erreur, qu’illusion,
Trouve du sens caché dans la confusion :
Même des plus savants, mais non pas des plus sages,
Expliquent aujourd’hui ces fabuleux ombrages.
Autrefois les mortels parlaient avec les Dieux,
On en voyait pleuvoir à toute heure des Cieux ;
Quelquefois on a vu prophétiser les bêtes,
Les arbres de Dodone étaient aussi Prophètes.
Ces contes sont fâcheux à des esprits hardis,
Qui sentent autrement qu’on ne faisait jadis.
Sur ce propos un jour j’espère de t’écrire,
Et prendre un doux loisir pour nous donner à rire ;
Cependant je te prie encore m’excuser,
Et me laisser ainsi libre à te refuser,
Me permettre toujours de te fermer l’oreille,
Quand tu me prieras d’une faveur pareille :
Penses-tu, quand j’aurais employé tout un jour
À bien imaginer des passions d’Amour,
Que mes conceptions seraient bien exprimées
En paroles de choix, bien mises, bien rimées,
L’autre n’y trouverait, possible, rien pour lui,
Tant il est malaisé d’écrire pour autrui.
Après qu’à son plaisir j’aurais donné ma peine,
Je sais bien que, possible, il louerait ma veine :
Vraiment ces vers sont beaux, ils sont doux et coulants,
Mais pour ma passion ils sont un peu trop lents ;
J’eusse bien désiré que vous eussiez encore
Mieux loué sa beauté, car vraiment je l’honore ;
Vous n’avez point parlé du front, ni des cheveux,
Ni de son bel esprit, seul objet de mes vœux ;
Tant seulement six vers encor, je vous supplie.
Mon Dieu ! que de travail vous donne ma folie !
Il voudrait que son front fût aux astres pareil,
Que je la fisse ensemble et l’Aube et le Soleil,
Que j’écrive comment ses regards sont des armes,
Comme il verse pour elle un océan de larmes.
Ces termes égarés offensent mon humeur,
Et ne viennent qu’au sens d’un novice rimeur,
Qui réclame Phébus ; quant à moi, je l’abjure,
Et ne reconnais rien pour tout que ma nature.
 

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