Paul Claudel(1868-1955) Recueil complet1907 : Connaissance de l'Est Tous ses poèmes disponiblesPoèmes par ordre alphabétiqueA B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V
Le Banyan
La Cloche Le Cocotier
La Dérivation La Descente
Fête des morts le septième mois Le Fleuve
Le Jour de la fête-de-tous-les-fleuves
Le Pin La Pluie Le Point Le Porc Le Promeneur
Le Riz
Le Sédentaire La Source
La Tombe
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À l’heure où, pressé d’un haut pressentiment, l’homme sans femme et sans fils atteint avec la crête du mont le niveau du soleil qui descend, au-dessus de la terre et des peuples, dans le ciel la disposition solennelle d’une représentation de cité historié le suspens énorme. C’est une cité de temples. On voit dans les villes modernes les rues et les quartiers se presser et se composer autour des bourses et des halles, et des écoles, et des bâtiments municipaux dont les hauts faîtes et les masses coordonnées se détachent au-dessus des toits uniformes. Mais monument par le soir selon la forme d’une triple montagne, l’image ici posée de la cité éternelle ne trahit aucun détail profane et ne montre rien dans l’aménagement infini de ses constructions et l’ordre de son architecture qui ne se rapporte à un service si sublime, qu’il n’est pas à qui ne soit postérieure la préparation de ses degrés. [...]
Je peindrai ici l’image du Porc. C’est une bête solide et tout d’une pièce ; sans jointure et sans cou, ça fonce en avant comme un soc. Cahotant sur ses quatre jambons trapus, c’est une trompe en marche qui quête, et toute odeur qu’il sent, y appliquant son corps de pompe, il l’ingurgite. Que s’il a trouvé le trou qu’il faut, il s’y vautre avec énormité. Ce n’est point le frétillement du canard qui entre à l’eau, ce n’est point l’allégresse sociable du chien ; c’est une jouissance profonde, solitaire, consciente, intégrale. Il renifle, il sirotte, il déguste, et l’on ne sait s’il boit ou s’il mange ; tout rond, avec un petit tressaillement, il s’avance et s’enfonce au gras sein de la boue fraîche ; il grogne, il jouit jusque dans le recès de sa triperie, il cligne de l’œil. Amateur profond, bien que l’appareil toujours en action de son odorat ne laisse rien perdre, ses goûts ne vont point aux parfums passagers des fleurs ou de fruits frivoles ; en tout il cherche la nourriture : il l’aime riche, puissante, mûrie, et son instinct l’attache à ces deux choses, fondamental : la terre, l’ordure. [...]
Sortant pieds nus sous la vérandah, je regarde vers la gauche : au front du mont, parmi les nues bouleversées, une touche de phosphore indique l’aube. Le mouvement des lampes par la maison, le manger dans l’ensommeillé et gourd, les paquets que l’on arrime : en route. Par la côte roide nous plongeons dans le faubourg indigène. C’est l’heure indécise où les villes se réveillent. Déjà les cuisiniers de plein vent allument le feu sous les poêles : déjà au fond de quelques boutiques un vacillant lumignon éclaire des membres nus. Malgré les planches garnies de pointes qu’on a posées à plat sur les devantures, en suspens sur les corniches, rapetassés dans les encoignures, à toutes les places libres, des gens gisent et dorment. L’un, à demi réveillé, se grattant le côté du ventre, nous regarde d’un œil vide et bée d’un air de délice ; l’autre dort si serré qu’on dirait qu’il colle à la pierre. Quelqu’un, la jambe de son pantalon retroussée jusqu’à la hanche et montrant le vésicatoire qu’il porte fixé par une feuille sur le plat de la fesse, pisse contre son mur près de sa porte ouverte ; une vieille qui a l’air vêtue de ces peaux qui se forment sur les eaux croupies peigne à deux mains son crâne galeux. Et enfin je me rappellerai ce mendiant à tête de cannibale, la touffe sauvage de la chevelure hérissée comme un buisson noir, qui, dressant droit un genou sec, gisait à plat sous le petit jour. [...]
Comme on ne peut manger, je remonte à la dunette, un morceau de pain dans la poche, et je joins, titubant, assourdi, souffleté, de violentes ténèbres et le bruit sans lieu de la confusion. Séparant mes lèvres dans la nullité, j’y conduis une bouchée aveugle, mais bientôt, partant de la lueur de l’habitacle, mes yeux peu à peu habitués reconnaissent la forme du navire, et au-delà, jusqu’aux limites de l’horizon rétréci, l’Élément en proie au Souffle. Je vois dans le cirque noir errer les pâles cavaleries de l’écume. Il n’y a point autour de moi de solidité, je suis situé dans le chaos, je suis perdu dans l’intérieur de la Mort. Mon cœur est serré par le chagrin de la dernière heure. Ce n’est point une menace vers moi brandie ; mais simplement je suis intrus dans l’inhabitable ; j’ai perdu ma proportion, je voyage au travers de l’Indifférent. Je suis à la merci des élations de la profondeur et du Vent, la force du Vide ; avec le bouleversement qui m’entoure aucun pacte, et la poignée d’âmes humaines que contient cet étroit vaisseau, comme un panier de son se dissiperait dans la matière liquide. Sur le sein de l’Abîme, qui, prêt à m’engloutir, me circonvient avec la complicité de ce poids que je constitue, je suis maintenu par une fragile équation. Mais je descends, pressé d’échapper à la vision de tristesse, dans ma cabine, et me couche. Cap au vent, le bateau se lève à la lame, et parfois l’énorme machine, avec ses cuirasses et ses chaudières, et son artillerie, et ses soutes gorgées de charbon et de projectiles, se rassied tout entière sur la vague comme l’écuyère qui, prête à bondir, se ramasse sur les jarrets. Puis vient un petit calme, et j’entends bien loin au-dessous de mon oreille l’hélice continuer son bruit faible et domestique. [...] |
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